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Le 28 octobre 2022, lors du redémarrage après un nouvel arrêt du réacteur nucléaire n°3 de la centrale EDF de Cruas (Ardèche) pour rechargement en produits de fission atomique, un des capteurs du groupe turbo-alternateur (1) a été branché sur une prise d’impulsion ... hors service. La prise normale étant défaillante depuis le 21 juillet 2020 lors d'un précédent rechargement en produits de fission atomique le capteur avait été branché sur une prise alternative (dite « endoscopique »). Comme cette modification était censée être pérenne, la prise d’impulsion normale n’avait pas été remise en état. Encore eut-il fallu que tous les opérateurs le susse.

Centrale_nucleaire_Cruas_Meysse_reacteurs_3_et_4_28_11_2022_19h13_HD_DSCN0224.jpgPrès de trois semaines plus tard, le 23 novembre 2022, les opérateurs constatent, enfin, que le réacteur ne tourne pas rond dans sa partie production de vapeur. Des incohérences entre les capteurs de mesure de pression, dont celui de la pression de la vapeur du circuit secondaire, mettent en évidence l'erreur de branchement. Le capteur a été indisponible entre le 28 octobre 2022 et le 24 novembre 2022!

Sérieux problème car les informations délivrées par ces capteurs sont utilisées à la fois par le système de régulation permettant le pilotage du réacteur, notamment du niveau d’eau dans les générateurs de vapeur, et par le système de protection du réacteur. Pas moins. En cas de pépin on ne serait pas assuré que tout se passe bien même si EDF affirme que d’autres capteurs et dispositifs de sécurité auraient permis d’assurer le fonctionnement des systèmes de protection du réacteur.

Ce n'est que le 30 novembre 2022, que EDF s'est fendue d'une déclaration d'un événement significatif auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Cette déclaration tardive au regard de la conduite à tenir préconisée par les spécifications techniques d’exploitation a conduit , selon l'ASN a classé au niveau 1 de l’échelle INES des incidents nucléaires cette défaillance (2).

 

Des défaillances multiples et récurrentes qui posent la question du maintien en fonctionnement du réacteur et des capacités de gestion de la centrale atomique

Déjà le 22 octobre dernier avait été détecté sur le réacteur n°3 un défaut d’isolement électrique du câble de commande de la vanne motorisée du système de contournement de la turbine du générateur de vapeur. Celle-ci ne pouvait donc plus limiter la pression dans le circuit secondaire et évacuer la vapeur potentiellement radioactive vers l’atmosphère  en fonctionnement normal ou en situation accidentelle.

IR_Centrale_nucleaire_Cruas_Meysse_reacteurs_1_et_2_28_11_2022_19h24_HD.jpgTrois jours plus tôt le 18 octobre 2022, une électrovanne de la ligne d’appoint en eau claire du circuit primaire qui participe à la maîtrise de la réaction nucléaire et qui aurait du être fermée était bêtement restée ouverte. Et auparavant, à la mi-septembre, des erreurs et inversions de connexions sur différents relais électriques avaient été découvertes et impactaient le fonctionnement de plusieurs équipements depuis l’été. Parmi les avatars : un groupe électrogène qui sert à alimenter les circuits les plus cruciaux du réacteur n°3 en cas de panne de courant est resté hors-service durant plusieurs semaines.

Le 21 juillet 2022 ce sont les grappes de régulation de puissance du réacteur atomique n°1 qui étaient restées bloquée alors que du bore était aussi introduit dans les circuits; le 28 juillet le réacteur n°2 subissait une panne sur l’un des quatre capteurs de mesure autour de la cuve où se produit la réaction atomique; Le 28 juin c'était le système de protection de circuit primaire du réacteur n°1 qui était défaillant, le voyant de terminal incendie en rideau, la turbopompe d’eau de secours de générateur de vapeur non-opérationnelle.

L'année précédente le 21 juillet 2021, alors que le réacteur nucléaire n°3 était à nouveau en cours de redémarrage après arrêt, un composant de mesure de température de la chaîne du "Système de protection du réacteur" (RPR) s'était produite. Or ce système RPR a pour principales fonctions la détection ... de situations anormales, et pas moins l'arrêt automatique du réacteur et le déclenchement des systèmes de sauvegarde appropriés en situation accidentelle. Ce n'est que 9 mois plus tard qu'EDF avait enfin rendu public la grave situation (3).

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(1) Situé en salle des machines le groupe turbo-alternateur se compose d’une part d'une turbine actionnée par la vapeur issue des générateurs de vapeur produite par l'énorme chaleur de la réaction atomique au coeur du réacteur et d'autre part d’un alternateur. La vapeur entraînant l’alternateur qui produit l’électricité.
(2) https://www.asn.fr/l-asn-controle/actualites-du-controle/installations-nucleaires/avis-d-incident-des-installations-nucleaires/detection-tardive-de-l-indisponibilite-d-un-capteur-de-pression-du-groupe-turbo-alternateur
(3) que se passe-til à la centrale nucléaire de Cruas ? : http://coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/index.php?q=cruas