Romans (Drôme) : Incendie dans un atelier de l’usine Framatome/EDF contenant de l’uranium
Par Rédaction le mercredi 21 septembre 2022, 22:10 - National - Lien permanent
Ce mercredi 21 septembre 2022 vers 16h30 un incendie s'est déclaré dans un atelier de l'usine nucléaire "Framatome" de Romans sur Isère (Drôme) contenant notamment de l'uranium. L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a activé son centre d’urgence à Montrouge (92) tandis que des agents de la division de Lyon de l’ASN se rendent à la préfecture de Valence et sur le site. La direction du site a mis en œuvre le Plan d’Urgence Interne (PUI), des équipes internes de sécurité du site sont en cours d'intervention, plus de 40 sapeurs-pompiers, dont ceux spécialisés en risques technologiques, interviennent en complément. Les bâtiments à proximité ont été isolés et les activités nucléaires en
cours dans le bâtiment arrêtées, les salariés
présents dans l’atelier ont été évacués.
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Mercredi 21 septembre, vers 16h25, un incendie s'est déclaré dans un atelier de l’usine nucléaire "Framatome" appartenant à EDF après avoir été propriété d'Areva/Orano à Romans-sur-Isère (Drôme) contenant un stock d’uranium solide dans des «boîtes en plexiglas» (!) ainsi que 1,7 kg d'uranium sous forme de poudre de récupération.
Trois quart d'heure plus tard à 17h10 l'ASN (1) en a été informée et a activé son centre d’urgence de Montrouge en région parisienne afin de s’assurer du bien-fondé des dispositions prises par l’exploitant, conseiller les autorités sur les actions de protection de la population, informer les institutions et les médias, assurer la notification internationale.
Une intervention des équipes internes de sécurité du site est en cours dans le cadre du déclenchement par la Direction du site du Plan d’Urgence Interne (PUI) . Plus de 40 sapeurs-pompiers, dont ceux spécialisés en risques
technologiques, interviennent en complément des équipes de sécurité de
Framatome. Des agents de la division de Lyon de l’ASN se trouvent à la préfecture
de Valence et sur le site nucléaire tandis qu'elle maintien un lien avec
son bras technique de l’Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire (IRSN). Le Centre opérationnel départemental de la préfecture a été activé pour coordonner l'action des services.
Par mesure de précaution, les activités du bâtiment ont été mises à l'arrêt et les bâtiments à proximité ont été isolés tandis qu'une centaine de salariés étaient regroupés sur les zones de rassemblement afin d'être évacués. Selon le nucléariste relayé par la Préfecture à 19H40 il n’y aurait « pas d’élévation de la radioactivité dans l’air du local ni à l’extérieur » mesurée sur les filtres des cheminées de rejets, ni de blessé-e. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) se rendra sur place demain jeudi 22 septembre 2022 pour effectuer des mesures complémentaires dans l’environnement.
Démarche nécessaire et indispensable au vue des inspections réalisées précédemment en 2021 par les inspecteurs de l'ASN sur la tenue des installations lors des travaux d’été et le respect des engagements pris, notamment sur la maîtrise de la maintenance. L’inspection du contrôle d’agrément du laboratoire L1 de Framatome pour les mesures de radioactivité dans l’environnement avait mis en évidence des lacunes sérieuses imposant des améliorations conséquentes. Vérifiées au dernier trimestre 2021 par une inspection inopinée : les conclusions semblaient satisfaisantes. Mais en 2022, l’ASN se disait "attentive au maintien de la rigueur d’exploitation et au déploiement d’une bonne attitude interrogative, gage de sûreté opérationnelle, dans un contexte d’importants mouvements au sein des équipes de sûreté et radioprotection et de poursuite des modifications des installations". Allant jusqu'à préciser que "les règles de gestion des déchets devaient continuer à être déployées et rappelées dans les différentes installations du site".
Une imprimante 3D, dernier cri et primée, à l'origine de l'incendie ?
L'origine de l'incendie serait du à une « imprimante qui a pris feu » alors que le 19 septembre dernier, il y a trois jours à peine, Framatome se glorifiait sous la plume de son "senior executive vice president Fuel Business Unit" dans un communiqué de presse triomphal sur « les avancées en matière d’intégrité des composants fabriqués par impression 3D ... révolutionnaires pour la génération d’une énergie sûre, fiable et bas-carbone, adaptée aux opérations à long terme »... grâce à une imprimante permettant "des assemblages de combustible (produits de fission atomique) en toute sécurité" (2). Le 25 juillet 2022 l'entreprise nucléariste recevait d'ailleurs du groupement des entreprises nucléaristes piloté par EDF et Orano (SFEN) "le Prix de l’Innovation Technologique pour ses concepts de combustibles avancés" (3). On voit le résultat.
Déjà en 2021 une série d'incidents avec risque de criticité
Sombre ironie de la situation : par décision du 4 juin 2019 (n° 2019-DC-0670) relative au réexamen
périodique de l’ex‑INB 63, la présence de substances radioactives avait été interdite par l'ASN dans la zone uranium du bâtiment F 2 et ce avant le 31 décembre 2022. Une nouvelle zone uranium (NZU) dont la construction avait démarrée en 2017 était censée accueillir l'élaboration des noyaux de poudre compactée placés dans des cadres et plaques en aluminium afin d'améliorer la sûreté des processus de fabrication. Mais déjà au premier semestre 2021 l'ASN avait quelque peu tiqué sur le rapport de sûreté et les nouvelles règles générales d’exploitation liées à la NZU présentés par EDF/Framatome.
En 2021, six événements significatifs relatifs à la maîtrise du risque de criticité avaient aussi eu lieu et inscrits au niveau 1 de l’échelle INES par Framatome/EDF. Comme ces incidents étaient sans lien les uns avec les autres et concernaient les deux INB, l’ASN a du réaliser une inspection réactive pour au moins deux d’entre eux. L'Autorité se disait "rester vigilante à la mise en œuvre d’actions efficaces afin d’éviter la reproduction de tels événements".
Framatome du CEA à EDF en passant par Areva et Orano
L'usine nucléaire Framatome/EDF de Romans (4) dite « FBFC » se compose de 2 installations autorisées : INB 98 spécialisée dans la fabrication d'assemblages des produits de fission atomique (combustible) pour les réacteurs nucléaires et INB 63 pour des réacteurs de recherche (CERCA) à base d'uranium enrichi. Elles ont été regroupées et fusionnées par décision de l'ASN et décret (n° 2021‑1782) le 23 décembre 2021 au sein d’une INB unique 63-U, dénommée Usine de fabrication de combustibles nucléaires. Elle emploie 950 salarié-es.
La fabrication des produits de fission atomique (faussement appelé "combustible") pour les réacteurs électronucléaires nécessite de transformer l’Hexafluorure d'Uranium (UF6) en poudre d’oxyde d’uranium. Les pastilles fabriquées à partir de cette poudre, dans l’usine Framatome de Romans sont placées dans des gaines métalliques en zirconium pour constituer les crayons réunis en assemblages pour être plongés dans les coeurs des réacteurs atomiques. Dans les réacteurs expérimentaux, les "combustibles" également fabriqués dans l’usine de Romans (« Cerca » ex‑INB 63) sont variés et peuvent utiliser de l’uranium très enrichi sous forme métallique.
Framatome : des produits uranifères et chimiques à très haut risques
Les principales matières nucléaires manipulées sur le site de Romans-sur-Isère ne sont ni chamallows ni chocolatines. Qu'on en juge : Uranium métal naturel et pollué (sous dérogation exceptionnelle), multiples enrichissement pour les "combustibles" laminés, uranium U235 + U238 + U232 + U234 + PF, Uranium oxyde naturel, Uranium de retraitement, Uranium pollué, UF6. Accompagnés des petites bombes chimiques manipulées à longueur de temps tels le stockage de 2000 litres de produits dangereux comme de l'alcool, du pétrole, de l'acétone, du toluène, du trichloréthylène, du perchloréthylène. Et autres produits toxiques: 1000 l d'acides sulfurique, nitrique et chlorhydrique. Et aussi un stockage d'azote et hydrogène (23000 Nm 3 sous 200 bars), un dépôt de poudre d'aluminium (quelques tonnes), des gaz de procédé (Hydrogène H2 ,...) et HF aqueux à 50%.
Folie des grandeurs et de l'entêtement nucléariste : en juillet 2020 Framatome a déposé une demande de modification de l’arrêté (du 22 juin 2000) règlementant les prélèvements d’eaux, les limites de rejets des effluents contaminés et la surveillance de l’environnement du site nucléaire afin de pouvoir augmenter sa capacité de production. En décembre 2020 une nouvelle demande de modification de l’ex‑INB 98 vise à son tour à augmenter la production de "combustibles" à base d’uranium de retraitement enrichi (actuellement en cours d’instruction par l'ASN). Le 20 décembre 2021 l'ASN autorisait en plus la remise en exploitation de l’atelier « Training, Research, Isotopes, General Atomics » (TRIGA) destiné à produire des "combustibles" pour des réacteurs de recherche de conception américaine.
Le toujours plus de la théocratie nucléariste qui conduit inéluctablement à la grande catastrophe un jour ou l'autre.
>>> Dernières Heures (21/09/2022 20h) : Le feu aura duré plus de deux heures et serait maîtrisé, selon la direction "aucune substance radioactive n’aurait été touchée", le feu aurait été éteint à 18h40. Des analyses sont en cours pour confirmer l'absence d'impact sur l'installation. A 20 heures l'ASN a autorisé EDF/Framatome à clôturer le Plan d’Urgence Interne (PUI), le Centre Opérationnel Départemental a également été levé tandis que l’ASN désactivait son propre centre d’urgence à 19h50.
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(1) https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/l-asn-active-son-centre-d-urgence-a-la-suite-d-un-evenement-a-l-usine-framatome-de-romans-sur-isere
(2) https://www.framatome.com/medias/framatome-introduit-le-premier-composant-de-combustible-imprime-en-3d-a-forsmark-en-suede/
(3) https://www.framatome.com/medias/framatome-recoit-le-prix-de-linnovation-technologique-de-la-sfen-pour-ses-concepts-de-combustibles-avances/
(4) https://www.asn.fr/tout-sur-l-asn/l-asn-en-region/auvergne-rhone-alpes/usines-de-fabrication-de-combustibles-nucleaires-de-romans-sur-isere
la presse en parle:
https://www.ledauphine.com/faits-divers-justice/2022/09/21/depart-de-feu-dans-un-atelier-de-l-usine-framatome-contenant-de-l-uranium
https://www.20minutes.fr/faits_divers/4001917-20220921-usine-framatome-romans-isere-incendie-maitrise-radioactivite
https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/drome/nucleaire-depart-de-feu-dans-un-atelier-contenant-de-l-uranium-a-l-usine-framatome-de-romans-sur-isere-2619152.html
https://www.zonebourse.com/cours/action/ELECTRICITE-DE-FRANCE-4998/actualite/France-Incendie-dans-un-atelier-Framatome-contenant-de-l-uranium-a-Romans-sur-Isere-41829158/
Commentaires
– «Incidents » et menace nucléaire civile et militaire –
Comme à chaque fois, la préfecture s'empresse de minimiser l'événement : « les mesures n'ont pas révélées de diffusion radioactive pour le moment » dit un communiqué à 19H40.
Il y a des industries dont tout le monde fait semblant de ne pas se préoccuper, comme pour oublier qu'elles existent, et garder l'esprit serein. Framatome est de celles là. C'est une importante multinationale qui équipe et conçoit, depuis les années 1950, les centrales nucléaires et gère la maintenance des réacteurs français. Aujourd'hui, Framatome est une filiale d'EDF, et emploie 14 000 salariés.
Depuis plusieurs mois, le monde vit de nouveau suspendu à la menace nucléaire. Les armées russe et ukrainienne s'affrontent dans la plus grande centrale nucléaire d'Europe, comme deux enfants jouent aux allumette sur un baril de poudre. Les dirigeants se menacent d'un anéantissement atomique. Cet été, des incendies incontrôlables ont ravagé des milliers d'hectares en Bretagne, et approché la vieille centrale nucléaire de Brennilis, qui n'est toujours pas démantelée. La canicule a provoqué l'arrêt de la moitié des centrales nucléaires françaises, car il faut de l'eau en permanence pour refroidir les réacteurs, et avec la sécheresse, les cours d'eau sont trop chauds ou trop bas. Le 11 septembre, un séisme de 4,8 sur l'échelle de Richter a touché l'Alsace, à proximité de la centrale de Fessenheim. Les autorités avaient pourtant promis juré craché qu'aucune installation ne présentait de risque sismique. Le nucléaire, c'est le risque permanent d'une catastrophe majeure. Et des périls de plus en plus rapprochés.
Des « incidents » comme celui de Framatome ont lieu régulièrement, dans l'indifférence. Le 21 décembre 2021, EDF annonçait avoir pollué les sols et les eaux sous la centrale du Tricastin, dans la Drôme. 900 litres d'effluents provenant de la zone nucléaire ont débordé lors d'un transfert fin novembre et se sont déversés dans le réseau de collecte d'eaux pluviales. La même semaine, le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cattenom, dans le Grand est, s'est arrêté soudainement suite à un « problème électrique ». Dans la même centrale, un autre « incident » vient d'être signalé. En 2019, l'ACRO – Association pour le contrôle de la radioactivité dans l'ouest – relevait la présence de tritium, élément radioactif issu des centrales, dans l'eau de la Loire et celles du robinet à Nantes. Ce ne sont que quelques exemples, parmi ceux qui sont rendus publics.
Malgré cela, Macron veut construire d'autres centrales, et prolonger la vie de réacteur vieillissants, et tout un lobby pro-nucléaire s'active pour imposer son dogme périmé. L'industrie atomique est dangereuse, peu fiable, très chère et peu durable. Pour une centrale qui fonctionnera 40 ans, une pollution radioactive menacera l'humanité pour 100 000 ans. Et pour couronner le tout, le nucléaire français est dépendant de minerais extraits au Niger ou au Kazakhstan, à des milliers de kilomètres. Une énergie qui repose sur l'exploitation coloniale.
Ce mercredi, 21 septembre 2022, une simple imprimante a failli faire flamber un atelier d'uranium en France. Prétendre maîtriser cette technique, faire croire que l'humain serait infaillible relève d'un orgueil démesuré. Ce que les grecs anciens appelaient « l'hubris », le pire des défauts. Arrêtons cette folie.