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Réacteur nucléaire n°3 : le système de protection du circuit primaire du réacteur est défaillant


Le 21 juillet 2021, alors que le réacteur n°3 de la centrale atomique de Cruas-Meysse en Ardèche (INB n° 111 et 112) était en cours de redémarrage, un essai révèle qu'un composant (un sommateur référencé 3 RCP 409 ZO) de mesure de température de la chaîne du système de protection du circuit primaire du réacteur/RPR (1) génère une erreur de transmission d’information. Ca devient chaud!

Il faut intervenir "sans trop tarder" car si le réglage du composant et sa remise en état ne sont pas réalisés en 24h, la situation devient particulièrement dangereuse. Il y a alors urgente nécessité et obligation d'abaisser la pression et la température du circuit primaire du réacteur (repli) afin de revenir à un état "normal" du circuit de refroidissement à l’arrêt (AN/RRA). Délais imparti par les règles générales d’exploitation et les Spécifications Techniques d'Exploitation/STE (2): pas plus de 24 heures.

Centrale Nucléaire de Cruas-Meysse extension ICPE  et SRAM Réacteur n°4 le 09 11 2019 0 04H28Et que fait EDF? Va-t-elle appliquer ces règles afin de sécuriser l'installation atomique et minimiser les risques comme le voudrait le simple bon sens? Et bien non: estimant que le système RPR restait disponible malgré la valeur mesurée par le capteur de température, le nucléariste décide de n'intervenir et d'effectuer le réglage du composant que le 25 juillet 2021. 4 jours après le début de l'incident, 96 heures plus tard. En totale contradiction avec les règles qui stipulent que le matériel doit être considéré comme indisponible jusqu’à ce que le défaut soit formellement corrigé. EdF maintien en fonctionnement le réacteur atomique.

L'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) va-t-elle en être informé et intervenir fissa? Pas le moins du monde. Ce n'est que 9 mois plus tard, le 5 avril 2022, qu'elle conduit une inspection (référencée INSSN-LYO-2022-0480)
et constate qu'EDF n'a pas respecté ses obligations (et pas qu'une) et donc mis en danger le site et les populations alentours.


Réacteur nucléaire n°1 : la turbopompe d’alimentation en eau de secours du générateurs de vapeur bat de l'aile

Non seulement il se révèle que "les règles générale d’exploitation (RGE) n’ont pas été rigoureusement appliquées concernant le non-respect de critère d’essai relatif à un sommateur intervenant dans la chaine de protection du circuit primaire (RPR) du réacteur 3" (ouf) mais aussi qu'il faudrait que EDF vérifie en plus dare-dare "la cohérence de la valeur de pression de la chaine de mesure de la turbopompe d’alimentation en eau de secours des générateurs de vapeur (ASG)" du réacteur n°1. Pas moins.

Bah oui, c'est bêta mais "la valeur de pression du capteur (1 ASG 006 MP) au niveau du système de traitement centralisé des informations (KIT) est différente, de l’ordre de 20%, de la valeur relevée sur l’indicateur en salle de commande (1 ASG 553 ID)". Manque de pot c'est la valeur de cet indicateur 1 ASG 553 ID qui est prise en compte pour le calcul de la hauteur manométrique totale de la pompe. Alors chef chef on à de l'eau en secours pour le générateur de vapeur ou pas?


Chef c'est de la soude ou du pastis qu'on met dans la machine ?

ASN Rapport Contrôle Séisme Centrale Nucléaire Cruas-MeysseLa centrale nucléaire de Cruas-Meysse est l'une des rares en France à être équipée de plots parasismiques. Sous les radiers (plaque de ciment feraillée) des bâtiments réacteurs/BR, un radier supplémentaire soutient les bâtiments. Ce qui ne l'a pas empêché d'être sérieusement secouée lors du séisme du Teil du 11 novembre 2019.

En cas d’accident grave, de séisme et de percement du radier des moyens techniques permettent, en principe, de noyer le vide hermétique (genre de cave) entre les deux radiers  tandis qu'un système autonome mobile permet d’injecter de la soude vers les puisards des bâtiments réacteurs. Evidemment il y a intérêt à ce que des essais périodiques de bon fonctionnement du dispositif soient effectués dans les règles et selon les procédures édictées. Faute de quoi personne n'est assuré que le dispositif fonctionnera.

Mais à Cruas-Meysse la note locale qui est censée reprendre en détail les obligations et manipulations à effectuer lors des essais périodiques (3) ne comporte pas toutes les informations. Ainsi des valeurs de performances à atteindre pour les matériels: pas de précision. Ainsi du débit des liquides à injecter ou encore de la pression à mettre en oeuvre: pas de précision (ils se croient au bistrot peut-être?), ni même la définition des critères (RGE A ou B) à respecter pour se prononcer sur les résultats des test et performances correctes ou pas du système (U4). C'est vraiment cool le nucléaire, on fait comme on veut.

Le voyant du terminal incendie est en rideau depuis près d'un an

Le terminal incendie 9 JDT 017 HK (4) à un sérieux défaut : le voyant du terminal est en statut "défaut" alors que le terminal est disponible.  C'est comme pour un train électrique d'enfant, des fois ça marche des fois ça marche pas et c'est le déraillement. Sauf qu'ici il s'agit d'un site atomique.  Rouge à la place du vert et peut-être vert à la place du rouge, on ne sait pas trop. Et comme la situation perdure depuis le 3 août 2021 : attention à l'accoutumance car elle ne permettrait pas de détecter l’indisponibilité du terminal incendie en cas de réelle défaillance. Heu chef, on répare le terminal incendie ou on met en place des ficelles courte et longue comme ont fait nos collègues sur le site du Tricastin pour accéder au panneau indicateur?


Oxydation du capteur de détecteur de manque d'eau et d'émulseur du réservoir de protection incendie du groupe électrogène d’ultime secours à moteur diesel (DUS)

Le groupe électrogène d’ultime secours à moteur diesel (DUS) a été installé il y a peu dans la centrale atomique de Cruas pour parer à la rupture d'électricité sur le site en cas d'accident grave. C'est l'une des décisions prises au niveau national après la catastrophe nucléaire de Fukushima en avril 2011. Mais mise en oeuvre que près de dix ans plus tard.  Ca urge pas chef!

Cruas-Meysse_CAN84_marche-antinucleaire-pour-la-vie.JPGCe groupe électrogène possède un capteur de niveau (1 JPU 002 SN) permettant de détecter un éventuel manque d'eau ou d'émulseur dans le réservoir de protection incendie. Manque de pot le mécanisme de commande du capteur s’oxyde et se bloque. Il ne sert plus à rien. Une première fois il a été remplacé en 2019. Puis, bis repetita, l'oxydation a de nouveau frappée en 2021. Pensez-vous qu'EDF a expertisé le problème pour comprendre ce qu'il se passe et éviter que cela ne se reproduise encore et encore? Bah non, nada, aucune action pérenne comme  viennent de le constater les inspecteurs de l'ASN au vu du plan d'intervention (PA n°207736).  Et d'adresser au Directeur du centre nucléaire de production d'électricité EDF de Cruas-Meysse un courrier (5) : "Je vous demande de procéder à une expertise du capteur 1 JPU 002 SN remplacé pour vous prononcer sur l’origine du phénomène de dégradation et statuer sur son caractère potentiellement générique (qui toucherait tous les sites nucléaires EDF de France). Vous me ferez part du délai nécessaire pour réaliser cette expertise et m’en transmettrez les conclusions". Bien mais comme le délais fixé court au moins sur 2 mois : "y'a pas l'feu au lac, on va voir ça un de ces jours"

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(1) Le système de protection d'un réacteur (RPR) nucléaire a pour principales fonctions : la détection de situations anormales, l'arrêt automatique du réacteur et le déclenchement des systèmes de sauvegarde appropriés en situation accidentelle. Il possède deux voies redondantes, identiques et indépendantes, chacune de ces deux voies doit pouvoir remplir l'ensemble des fonctions de sûreté dévolues au système de protection.
(2) Les Spécifications Techniques d'Exploitation (STE) prescrivent les délais maximums de réparations en cas de dysfonctionnement de certains matériels. Les STE sont un recueil de règles d’exploitation approuvées par l’ASN qui définissent  le domaine autorisé de fonctionnement de l’installation nucléaire et les prescriptions de conduite associées. Elles prescrivent en outre  les délais maximums de réparations en cas de dysfonctionnement de certains matériels.
(3) fixé par les généralités du chapitre IX des RGE.
(4) plan d’action référencé PA n°236200 de dérangement du terminal incendie repéré 9 JDT 017 HK.
(5) https://www.asn.fr/content/download/183093/download_file/INSSN-LYO-2022-0480.pdf