Sur les 56 réacteurs nucléaires en exploitation par EDF en France, 29 étaient à l’arrêt ce lundi 16 mai 2022. Des problèmes inattendus de corrosion sur des tuyauteries illustrent l'état de délabrement des installations, l'augmentation des menaces sur la sécurité et l'impossibilité du nucléaire à répondre aux besoins du pays.
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Le nucléariste EDF vient de battre un nouveau record ! Celui du nombre de réacteurs atomiques à l’arrêt incapables de produire le moindre kilowatt d'électricité. Sur les 56 réacteurs en exploitation, 29 étaient à l’arrêt ce lundi 16 mai 2022. En fait depuis fin avril, plus de la moitié de la capacité installée du parc est indisponible. Du jamais vu ! Chapeau les artistes et les fanatiques de la destruction atomique. Aux fermetures planifiées - dont certaines avaient été repoussées pour "cause d'épidémie covidique" - pour effectuer des examens de contrôles et les réparations indispensables à la prolongation délirante de la durée de fonctionnement au-delà des quarante ans initiaux s'ajoute un nouveau problème de corrosion sur les tuyauteries. Celles du circuit d’injection de sécurité de sauvegarde qui permet
d’injecter de l’eau dans le circuit primaire principal pour refroidir le
cœur du réacteur en cas d’accident.

Détecté d'abord en décembre 2021 sur une unité de 1 450 MW de la
centrale nucléaire de Civaux (Vienne) ce sont les trois autres réacteurs
de même technologie (les plus récents et plus puissants du parc) qui ont
du être mis à l’arrêt par « mesure de précaution ». Depuis, ce même
phénomène de corrosion a été détecté sur des réacteurs de moindre
puissance ceux de 1 300 MW et ceux de 900 MW (comme ceux du Tricastin en Vaucluse/Drôme). Plusieurs unités ont du être arrêtées
pour effectuer des contrôles. L'ASN qui a reçu de EDF le 13 mai dernier une proposition de stratégie de
contrôles priorisés sur l’ensemble du parc a d'ors et déjà annoncé que
"
le traitement de ces anomalies prendrait plusieurs années".
Une production électro-atomique en chute libre et des menaces accrues pour la sécurité
Sans précédent depuis 1999 et l’entrée en service des deux derniers réacteurs nucléaires raccordés au réseau, depuis janvier 2022 la disponibilité moyenne du parc nucléaire n'a cessée de chuter. Sur 61,4 GW de puissance installée EDF n'était en mesure que de produire 48 gigawatts (GW). Un plus bas historique. Depuis fin avril, moins de 30 GW de puissance sont disponibles. "C’est considérable » indique Thomas Veyrenc, le directeur exécutif du gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE d'autant que « parce qu’elles sont plus âgées, les centrales s’arrêtent plus
longtemps pour effectuer davantage de travaux de maintenance ou de
changements de composants ». Et ça ne pourra pas durer ad vitam aeternam. Surtout que l'omerta, la loi du silence maffieuse qui sévit depuis le début de l'ère atomique, masque bons nombres d'autres situations à hauts risques.
Mais cette tendance à la baisse de production était entamée depuis plusieurs années, le covid ne peut tout justifier. Car si en 2005 les 58 réacteurs nucléaires fournissaient 78 % de
l’électricité du pays, ces dernières années en revanche, la production
annuelle n'a cessé de baisser du fait des défaillances et incidents
multiples sur l'ensemble des réacteurs. Les vieilles casseroles se fissurent de partout. En 2020, le parc ne fournissait
plus que 67 % de la production électrique, niveau le plus faible depuis
1985. Et jusqu'à la fin de l'année 2022 les prévisions d’EDF indiquent
que la production pourrait même encore dégringoler (sous la barre des
300 TWh).
Vieillissement, problèmes techniques, aggravation de l'insécurité des installations, durée d'arrêt supérieure aux prévisions (1), dérèglement climatiques alternant sécheresses et inondations privant d'eau les réacteurs atomiques de leur nécessaire refroidissement : Emmanuel Macron et les différents sbires politiciens défendant les intérêts du lobby nucléaire ont tout faux en voulant nous faire avaler (imposer) une prolongation de fonctionnement au-delà de l'irraisonnable (40 ans) notamment des 32 réacteurs les plus anciens construit dans les années 1980 et une relance de la filière nucléaire avec la construction de nouveaux réacteurs mortels EPR ou SMR. Certains élu-es locaux se battent même comme des chiens enragés pour réclamer l'implantation de ces installations de mort sur leur territoire. (chiche! mais qu'ils prennent alors dans leur propriété les déchets radioactifs produits et se portent volontaires pour intervenir en cas de catastrophe nucléaire sur un site atomique, et s'engagent sur leurs biens personnels à dédommager les victimes des radiations).
La sécurité d’approvisionnement et la rentabilité financière en concurrence avec la sûreté
Contrairement aux années précédentes EDF-France n’exporte quasiment plus d’électricité vers d'autres pays. Même si ces dernières années EDF importait déjà de l'étranger de l'électricité, notamment en hiver, pour faire face aux besoins du pays, l'actuel niveau de production historiquement bas a trois conséquences directes : des risques sur l’approvisionnement
électrique des français, une baisse de rentrées financières et des menaces sur la sûreté des installations et du territoire.

Car prendre la décision d’arrêter un ou plusieurs réacteurs peut
s’avérer plus difficile lorsque cela met en péril l’approvisionnement
des Français. Le président de l’ASN, Bernard Doroszczuk, a d’ailleurs
déploré cette situation dès janvier 2022 : «
Cette accumulation d’événements
mène à la situation que nous redoutions : une tension sur le système
électrique qui pourrait mettre des décisions de sûreté en concurrence
avec des décisions de sécurité électrique », expliquait-il dans un
entretien au Monde. Pour RTE l’hiver prochain pourrait être tendu : «
Cela dépendra en
premier lieu des prix et de la disponibilité du gaz en Europe, en lien
avec le contexte international, et ensuite de la disponibilité du parc
nucléaire français ».
La pratique du compromis concernant la sûreté est une constante dans la filière nucléaire, on passe facilement outre aux obligations vis à vis de l'environnement et de la santé des populations comme des salarié-es du secteur. La situation actuelle pourrait accentuer la pratique de dissimulation et la poursuite forcenée du fonctionnement d'installations obsolètes et dangereuses.
Déjà l'actuelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui prévoyait la mise à l’arrêt de 12 réacteurs d’ici à 2035 en ramenant la part du nucléaire à 50 % a été balayée autoritairement en février 2022 par le président Macron (discours de Belfort) affirmant que seraient entretenus pour durer « tous les réacteurs qui peuvent l’être ». A la louche, ça fait toujours plaisirs aux amis.
Cette fuite en avant menace tout le pays et bien au-delà des frontières.
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(1) par exemple le réacteur n°5 de la centrale du Bugey (Ain) qui a débuté sa
quatrième visite décennale le 31 juillet 2021 n’a toujours pas été
remise en service.
Commentaires
Présenté comme une solution majeure face au réchauffement climatique, le nucléaire y est aussi très vulnérable. L’été n’a pas commencé qu’il fait déjà trop chaud. EDF l’a annoncé le 9 mai : la production d’électricité pourrait être affectée car les réacteurs atomiques ont besoin d'eau pour refroidir leur fonctionnement. Sans eau pas de nucléaire.
Or la température de l’eau rejetée par les centrales atomiques dans les fleuves et estuaires met en péril la faune et la flore locale et est contraire, au delà de 1°5, à l'augmentation réglementaire autorisée...
Comment anticiper ce qui peut se produire lorsque l’océan s’élève de plusieurs centimètres par an, lorsque des millions de mètres cubes d’algues corrosives, dopées par les températures, peuvent endiguer les prises d'eau amont des réacteurs nucléaires.
Lorsque les fleuves ne s’écoulent plus de la manière dont ont été évalués les besoins en eau de refroidissement des réacteurs, lorsque le débit d'eau est affaiblit voir inexistant le nucléaire devient explosif.
Pouvait-on imaginer, il y a seulement quelques années, que la ville de Liège (Belgique) serait partiellement évacuée en plein été (juillet 2021) pour cause d’inondations dantesques, à l’origine de près de 300 morts ?
Aurait-on jugé possible que 18 % de la forêt australienne brûle en une seule saison (2019-2020) à cause des incendies ?
Que les 8 millions d'habitants de Madras (Inde) soient ravitaillés en eau (juillet 2019) par camions et trains spéciaux ?
Sauf à modifier arbitrairement et dangereusement la réglementation en faisant fi de la sécurité et de l'environnement, EDF ne peut pas non-plus rejeter une eau portant à plus de 29°/30 °C la température des eaux. Ni dans les rivières ni dans l'océan (variation de quelques dixièmes selon la situation des centrales nucléaires) car cela impacte la biodiversité. À la fois les poissons, crustacés et autres animaux qui y vivent et aussi sur la prolifération d’algues nocives et toxiques.
Il n'y aura pas de relance de la destruction atomique sans une diminution significative des coûts et des délais de construction des futurs réacteurs. Ce qui au vu de ce qu se passe à Flamanville, à Taishan, à Hinkley-Point et à Olkiluoto est bien impossible (budget prévisionnel x3 et délais explosés à 12 ans au lieu de 4 programmés). Vu le dérèglement climatique nous n'avons pas ces marges de manoeuvre d'autant que EDF est sur-endetté et sous perfusion financière permanente de l'Etat (nos impôts)
Sur la problématique de l'eau, l'hydrologue Emma Haziza apporte le 6 mai dernier sur France-Inter des précisions (notamment le danger nucléaire à 17 min 03sec)
https://www.franceinter.fr/emission...