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Lors de son audition le 28 septembre 2021 par le "collège" de l’ASN, le directeur général d’Orano-Areva NC (M. Knoche,) a reconnu l’aggravation des difficultés auxquelles son entreprise qui exploite l’usine Mélox de Marcoule (Gard) est confrontée pour fabriquer le terrible produit de fission (combustible) "Mox" à base de déchets nucléaires de plutonium et d'uranium en provenance des stockages de La Hague (Manche) également gérés par Orano-Areva.

A court terme, les dysfonctionnements de l'usine Mélox dans le sud entrainent une saturation plus rapide que prévue des capacités d’entreposage des matières plutonifères sur le site Normand qui  proviennent de chacun des 56 réacteurs nucléaires en fonctionnement (plus ou moins chaotique) disséminés sur le territoire français. "Dans le cas où ces difficultés persisteraient, une saturation des piscines d’entreposage de combustibles usés (sera) beaucoup plus rapide que prévu" estime, préoccupée, l'ASN qui veut que "Orano ... renforce ses démarches d’anticipation, notamment en prenant en compte des scénarios pessimistes quant au retour de l’usine Melox à un fonctionnement nominal, afin de définir des aménagements et solutions d’entreposage présentant un haut niveau de sûreté." Ce n'est pas gagné, d'autant que l’ASN a également rappelé à Orano "l’importance de donner rapidement une information appropriée à la CLI (Commission Locale d'Information), et de proposer, si nécessaire, un dialogue plus approfondi avec les parties-prenantes intéressées." Autrement dit : arrêtez de cacher la réalité, vous avez obligation légale d'être transparent vis à vis des élu-es et de la population. On est loin du compte.

2019-05-05_PNGMDR_sites-dechets-nucleaires.jpgDe son côté Régis Faure, porte-parole du site Orano Melox a avoué au magazine "Usine Nouvelle" :  « Nous avons trop de pannes. L’an dernier, nous avons produit entre 50 et 60 tonnes alors que le carnet de commandes affiche 120 tonnes par an », . Ainsi, le plutonium s’accumule à l’entrée, tandis qu’en sortie, a expliqué M. Doroszczuk (Président de l’Autorité de sûreté nucléaire ASN) « ces problèmes qu’Orano n’a pas maîtrisés conduisent à la mise au rebut de déchets qui contiennent plus de plutonium que prévu ». Cerise sur le gâteau Orano-Areva : « la corrosion plus rapide que prévu des évaporateurs de l’usine d’Orano La Hague fragilise les capacités de retraitement ».

En toute hâte, Orano qui sait que ses problèmes techniques dans la fabrication du "Mox" à Marcoule sont loin d'être résolus, envisage de déposer prochainement, plusieurs demandes d’autorisation pour la création de nouveaux locaux d’entreposage de matières plutonifères à La Hague. Tant qu'un réacteur nucléaire tourne il produit des déchets radioactifs quotidiens qui doivent être stockés quelque part après avoir pataugé un peu plus d'un an dans une piscine implantée sur chaque site nucléaire histoire que la température monstrueuse baisse. C'est ainsi qu'à longueur d'année des matières radioactives sillonnent les routes de France aux côtés des automobilistes. Autre possibilité concomitante envisagée par Orano pour faire face aux difficultés de production de son Mox: l’utilisation d’une poudre d’uranium dite « voie humide » que Orano envisage de produire à partir de 2023 dans un nouvel atelier (NVH) sur le site de l’usine Orano de...  Malvési (Aude) en cours de construction. Les déchets radioactifs vont voir du pays.
 
Alors que la France est le seul pays, avec la Russie, à retraiter les "combustibles" usés sortis des réacteurs nucléaires, presque tous les autres pays recourant au nucléaire ont arrêté le retraitement (États-Unis, Royaume-Uni) ou ne l’ont jamais mis en œuvre (Allemagne, Japon, Belgique, Suède, Finlande, etc.). Ainsi la France au lieu d’avoir une seule catégorie de déchets radioactifs (les combustibles usés) en a toute une série où chacun pose un problème difficile voir insoluble de gestion : plutonium dont on n’arrive pas à utiliser tout le stock, actinides mineurs hyper dangereux, uranium de retraitement, Mox usé après utilisation, etc...
 
2019_dechets-radioactifs-stockage.jpgLa France est une aberration nucléaire. A tel point que le Président de l'ASN lui-même a, dans sa conférence de presse du 19 janvier dernier, osé envisager l'abandon du retraitement des déchets nucléaires du fait notamment des « fragilités du cycle du combustible et du parc nucléaire ». Et Bernard Doroszczuk de préciser qu’il fallait réfléchir à cette option : « Il faudra soit prévoir la rénovation des installations actuelles si le retraitement est poursuivi ; soit anticiper la mise en place de solutions alternatives pour la gestion des combustibles usés, qui devront être disponibles à l’horizon 2040, si le retraitement est arrêté...  d'autant qu'il n’est pas du tout acquis que les réacteurs nucléaires (vieillissants ou à bout de souffle) puissent fonctionner au-delà de cinquante ans", » Dans les deux cas, cela impliquera des investissements très conséquents, auxquels il faut réfléchir dès maintenant. « Un accident nucléaire est toujours possible » a rappelé le Président de l'ASN précisant que « ceux qui prétendraient le contraire prennent une grande responsabilité. Je pense qu’il faut rester vigilant, qu’il Il faut rester réaliste. Un accident nucléaire est toujours possible et cela suppose de l’anticipation. »


Un coup de tonnerre parmi le cercle des experts et pro-nucléaristes français. Non le nucléaire n'est pas la réponse magique au changement climatique, il est une atteinte permanente à la santé et à la vie.

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à lire en complément :
https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/voeux-a-la-presse-2022-de-l-asn-premiers-constats-concernant-la-surete-des-installations-en-2021
https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/capacite-d-entreposage-de-matieres-plutoniferes
https://reporterre.net/L-ASN-envisage-l-abandon-du-retraitement-des-dechets-nucleaires