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Lors d’une opération de démontage d’un vieux four de fusion de matières uranifères de l’installation nucléaire de base (INB) n° 63 de Framatome à Romans sur Isère (Drôme) une quantité de matière radioactive résiduelle uranifère a été découverte dont l'analyse a révélé un enrichissement supérieur à celui autorisé de 20 % maximum. Survenu le lundi 13 septembre cet incident/événement significatif de perte de la maîtrise du risque de criticité [1] n'a été déclaré à l'ASN que le 21 septembre 2021 soit plus de 7 jours plus tard.

Dans cette unité nucléaire 63, la fabrication de produits de fission nucléaire ("combustibles") d’uranium-235 très enrichi est destinée aux réacteurs de recherche français et étranger et à l'irradiation de cibles à usage d’imagerie médicale. Sur le même site l'INB 98 fabrique les assemblages de produits de fission atomique ("combustibles") pour les réacteurs nucléaires. Ces deux INB 63 et 98 possèdent des autorisations réglementaires de rejets radioactifs et chimiques sous forme gazeuse ou liquide*.

Affaire Areva : 3 milliards en fuméeLa découverte de ces matières atomiques non-conformes et mortelles d'uranium a contraint les ouvriers à les entreposer selon une procédure spécifique inhabituelle dans ce lieu. La direction affirme que cet événement n’a pas eu de conséquence sur les travailleurs ou sur l’environnement. Mais dans le laps de temps entre les manipulations liées au démontage du four et la détection d'un niveau de radioactivité supérieur : quid des mesures de protections et du contact des travailleurs avec le risque? D'autant que la direction EDF-Framatome a pour axe de conduite de produire au détriment de la maintenance et des salariés (2).

Ce non-respect de la limite d’exploitation de l’installation mettant en cause la prévention du risque de criticité a conduit l'ASN a le positionner au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des évènements nucléaires graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité).

Une logique productiviste et financière qui fait fi de la maintenance et des atteintes à la santé

Rien que pour l'année 2018  pas moins de 4 anomalies et 16 écarts à la réglementation pouvant conduire à des situations critiques radioactives ont eu lieu sur le site nucléaire de Romans.

Dans une décision du 4 juin 2019 (3) l’ASN avait soumis, par exemple, la poursuite d'exploitation de l'installation (CERCA/Compagnie pour l’Etude et la Réalisation de Combustibles Atomiques)  à la réalisation par Framatome de mesures d’amélioration de la gestion des risques d’incendie, de dissémination de substances radioactives ou encore liées au séisme. A l'époque l'Autorité de Sûreté Nucléaire estimait que ces renforcements devaient faire l’objet d’un calendrier contraignant et dans certains cas conduire à des rénovations de bâtiments nucléaires ou à la construction de nouveaux bâtiments. La poursuite de fonctionnement de l’INB 63 était censée dépendre de ces travaux (4).

Framatome_crayon-uranium.jpgA ce sujet, le 17 juin 2021 lors d'une réunion du  comité social et économique (CSE), le syndicat CFDT avait mentionné un ensemble de problèmes et dysfonctionnements liés aux défauts d'entretiens et de réparations du fait des décisions de la direction de maintenir coûte que coûte la productivité et la rentabilité quitte à porter atteinte à la radioprotection des salariés (5) titulaires et sous-traités** : "Les opérationnels sous-traitants sont submergés, subissent un emploi du temps précaire (planning à la semaine) et les techniciens SPR ne peuvent pas, malgré le temps dégagé par la sous-traitance,  accompagner la production,... " A l'époque les élus syndicaux interpellaient leur direction sur les reports de maintenance. "Nous ne souhaitons pas retomber dans les travers récents qui ont conduit à des situations inacceptables.  Il  ne  faut  pas  produire  au  détriment  de  la  maintenance.,  ni  de  nos  fondamentaux  (sureté,  sécurité  et  radioprotection). Et de mentionner que  "Les  reports  s'accumulent :  rectifieuse, four  de frittage,...  Sur  la rectifieuse  3,  un  accident  de  travail  a  eu  lieu qui est directement lié à un report de maintenance.  Un  plan  de  rattrapage  à  19  tU/semaine  va  démarrer,  nous  espérons  qu'il  ne  se  fera  pas  au  détriment  de  la maintenance  des  équipements  et  qu'il  n'y  aura  pas  de  risque  sécurité,  sûreté,  radio  pro  et  santé  sur  les salariés " Mais depuis des mois les incidents se multipliaient (palan, grille et robots, grappes, dépassement de limite de masse de radioactivité, licenciements, souci de fluor et de pastilles fluorées,...) et des craintes se manifestent avec la volonté de faire passer un four prévu pour la conversion de l'uranium en four de production d'uranium U308.

La gabegie "faillitaire" du nucléaire

C'est des installations nucléaires de Romans sur Isère que sont acheminés par la route les produits de fission atomique à destination des 56 réacteurs nucléaires éparpillés sur le territoire national. Un ballet dangereux sur les routes du pays qui menace territoire et populations. C'est de là aussi que partent depuis quelques mois les "combustibles" pour l'EPR de Flamanville (Manche) alors qu'il n'est pas en état de marche et que de nombreux défauts l'affectent malgré le feu vert de l'ASN pour sa mise en fonctionnement.

carte-transports-nucleaire_France-routes-mer-train_150dpi_H33.pngCette situation découle aussi de la stratégie nucléariste folle des gouvernements français successifs conduisant les entreprises nucléaristes dans un système de faillite à rebondissement, de passages cycliques en filiales et sous pavillon Areva puis EDF puis Orano puis Framatome en fonction des montages financiers visant à faire supporter le poids des dettes par les finances publiques et les contribuables afin de poursuivre cette industrie mortifère (6).

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(1) Le risque de criticité est défini comme le risque de démarrage d’une réaction nucléaire en chaine lorsqu’une masse de matière fissile trop importante est rassemblée au même endroit. Pour prévenir ce risque, les règles générales d’exploitation de l’installation prévoient, notamment, la limitation de la masse de matière présente à chaque étape de fabrication et le contrôle de la géométrie de la matière fissile.
(2) https://www.cfdtframatome.fr/media/Romans/Tract/2021/Juin/Declaration_prod_vs_maintenance.pdf
(3) https://www.asn.fr/content/download/165553/1686297?version=9
(4) https://www.asn.fr/l-asn-informe/actualites/installation-cerca-poursuite-de-fonctionnement
(5) https://www.cfdtframatome.fr/media/Romans/Tract/2021/Juin/CSE_du_17_Juin__2021_V1.pdf
* Les eaux contaminées par des effluents radioactifs ou chimiques sont en principe évacuées vers une station de traitement physico chimique de récupération des matières en suspension.
Les effluents résiduels  radioactifs et chimiques réglementaires sont envoyés via un collecteur spécial directement dans l’Isère en aval du barrage de Pizançon, rive droite sous les piles du pont des Allobroges à Romans sur Isère. Et les ruptures de canalisation tel en juillet 2008 ne sont pas rares.
** en 2018 les salariés sous-traités de Nuvia (filiale Vinci) dont le donneur d'ordre est Framatome avaient fait une grève de plus de 67 jours pour la reconnaissance de leurs droits à l'appel de la CGT
(6) https://ricochets.cc/L-usine-nucleaire-Framatome-Romans-fait-des-entorses-a-la-securite.html et http://www.next-up.org/Newsoftheworld/AREVAsiteRomans.php