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Le petit monde de la nucléocratie en est tout chamboulé : un Pdg et son entreprise viennent d'être sanctionnés, fin juillet, par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ce n'est pas souvent que cela arrive mais ça arrive.

En 2009 EDF rachetait l'entreprise anglaise "British Energy" avec pour but de s'implanter sur le territoire britannique. Objectif : pouvoir y construire deux réacteurs nucléaires à eau pressurisés de type EPR sur le site "Hinkley Point C" dans le Somerset. Ce projet « HPC », très hasardeux financièrement et qui entraîna la démission du Directeur financier de l'électricien qui estimait que cela allait nuire et plomber définitivement l'entreprise, était la grosse manipulation pour tenter de sauver l'échec de l'EPR de Flamanville et faire "vitrine" internationale.

Pour financer un tel projet il faut des milliards. Que EDF ne possédait et ne possède pas. Aussi, à coup d'annonce médiatiques de propagande, le nucléariste faisait feu de tout bois. Faire croire aux pouvoirs politiques comme à la population et aux financeurs potentiels que tout allait pour le mieux au paradis nucléaire. Le 21 octobre 2013, EDF annonçait triomphalement avoir conclu avec le gouvernement britannique un accord sur les principaux termes commerciaux des contrats relatifs au projet et confirmait qu’une garantie de financement était accordée par le gouvernement britannique.

Proglio-Sarkozy.jpgUn an plus tard, le 8 octobre 2014 EDF publiait aussi un communiqué de presse - notamment à l'attention des "marchés" -  fanfaronnant à qui veut que la Commission européenne - au regard de la réglementation sur les aides d’Etat - considérait que la garantie apportée par le Royaume-Uni n'était pas une aide d'Etat- et donc approuvait les accords signés en 2013. Et qu'était « inchangée » la garantie de financement du gouvernement britannique. Belle annonce mais fausse. Et le régulateur boursier de confirmer que « des changements significatifs étaient intervenus sur le schéma de financement par dette garantie". Autrement dit, pour l'AMF, EDF a « diffusé une information fausse, susceptible de fixer le cours du titre à un niveau anormal ou artificiel ».

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui avait ouvert une enquête en 2016, sanctionne EDF et son ancien président-directeur général, Henri Proglio, pour diffusion d’une fausse information. L’AMF considère que ce « manquement était également caractérisé à l’encontre de M. Proglio, président-directeur général d’EDF à la date du communiqué litigieux, responsable de l’information financière de la société et qui en avait revu le contenu avant publication ». EDF se voit infliger une amende de 5 millions d’euros et Henri Proglio (1) une sanction pécuniaire de 50.000 euros. Henir Proglio qui, dans une interview à Reuters en mars 2009, n'hésitait pas à tacler largement autour de lui en se targuant que ses efforts pour informer les analystes sur la stratégie du groupe lui donnaient parfois l'impression "d'évangéliser des sauvages". Il prend donc le boomerang en pleine figure.

Cocorico !

Le Collège de l'AMF reprochait aussi à EDF et à son PDG actuel, Jean-Bernard Lévy, d'avoir quelque peu traîné des pieds - près de trois mois au 21 septembre 2015 - à communiquer au marché (sans que la population n'en sache de trop)  l'information privilégiée que, finalement, le financement d'Hinkley Point sera sur fonds propres et que cette opération folle d'EPR au Royaume Uni sera consolidée par intégration globale dans les comptes d'EDF, ce qui n'était pas prévu. Autrement dit que le contribuable français devra mettre la main à la poche pour qu'EDF réalise ses rêves illusoires et impossibles de grandeur.

Ces derniers griefs n'ont pas été retenus par l'AMF contre EDF et son actuel Pdg Jean-Bernard Lévy. Effectivement, une entreprise privée à participation d'Etat a le droit de faire payer ses dettes par la population dès lors que l'Etat est d'accord. On appelle cela une aide pour sauver l'emploi dans une filière d'exception.

Banco ! faites vos jeux!

Interrogé par l'AFP, EDF n'a pas souhaité faire de commentaire.

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(1) Proche des présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy et aussi de Dominique Strauss-Kahn avec qui il a fait ses études, il est diplômé de l'École des hautes études commerciales de Paris (HEC Paris) en 1971. Lors de son passage à HEC il y anime avec d'autres militants de la droite dure l'antenne du GRECE, "Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne" plus connu comme « Nouvelle Droite » fondée en janvier 1969 par quarante militants issus de la mouvance nationale-européenne incarnée par des mouvements comme Europe-Action, la Fédération des étudiants nationalistes (FEN), le Mouvement national du progrès (MNP) ou le Rassemblement européen pour la liberté (REL). Le philosophe d'extrême-droite Alain de Benoist en est considéré comme la « tête pensante ». Proche d'Yvan Blot,  haut fonctionnaire auteur des textes les plus racialistes de la Nouvelle Droite tel celui en 1972 consacré au réalisme biologique où il écrit ainsi qu'« il faut des esclaves pour que surgisse une nouvelle aristocratie », ou celui de 1974 qu'« ethnie et dressage sont les deux fondements d'une humanité supérieure », Henri Proglio participe aux premières réunions du Club de l'horloge, ce cercle de réflexion politico-industriel fondé en 1974 se situant entre droite et extrême droite qui prône l'union avec le Front national et se réclame du national-libéralisme.
Henri Proglio qui a fait son service militaire dans les "renseignements", est nommé en 1990 président-directeur général de la CGEA (filiale spécialisée dans la gestion des déchets et des transports) puis en 2000,  il prend la tête de Vivendi Environnement de la Générale des eaux (devenue Vivendi) dirigée par Jean-Marie Messier. À la suite du départ de Jean-Marie Messier en 2002, Vivendi Environnement qui devient Veolia Environnement voit Henri Proglio promu PDG. Henri Proglio comptait parmi les invités sélectionnés pour le dîner au Fouquet's le soir de la victoire de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle de 2007. Ami aussi de François Roussely, patron historique de EDF, il prend la succession de Pierre Gadonneix à la tête du groupe EDF le 25 novembre 2009, avec l'appui de la ministre Christine Lagarde (poursuivit dans l'affaire du Crédit Lyonnais). Il reste cependant président non exécutif de Veolia. Le 21 février 2011, à l'occasion du "Conseil de politique nucléaire" , présidé par le ministre sarkozyste et ex-socialiste de l’Énergie Éric Besson. il est nommé vice-président du Comité stratégique de l'énergie nucléaire. En  2012, il démissionne du conseil d’administration de Veolia Environnement et demande à ce qu'EDF, qui détient une participation de 4 % du capital de Veolia, puisse y obtenir un poste d’administrateur. Le 4 juin 2012, il est nommé président du groupe italien d'énergie Edison après la prise de direction de l'électricien italien par EDF. Il quitte ses fonctions de PDG en 2014, remplacé par Jean-Bernard Lévy, ancien patron de Thales. Il devient alors à son tour président non-exécutif du conseil d'administration du groupe Thales en décembre.

Le frère jumeau de Henri Proglio, René Proglio, est directeur général de la banque d'affaires américaine Morgan Stanley France depuis 2004 et président de Morgan Stanley France depuis 2009.