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Les belles paroles de EDF-Cyclife (1) sur son site internet tombent à l'eau ou plutôt dans l'enfer du feu. On est bien loin des ambitions propagandistes de "Démontrer notre expertise, notre efficacité et notre légitimité à accompagner, tout au long du cycle de vie d’une centrale nucléaire, des projets de démantèlement et de traitement des déchets radioactifs... Cyclife (se veut) être une référence en matière de sûreté des installations, de sécurité des hommes et de respect de l’environnement. Être un employeur attractif et développer les compétences de ses collaborateurs."

CENTRACO-Schema-du-four-d-incineration-et-description-de-l-incident.jpgSon incinérateur de déchets radioactifs vient encore de connaître ce 9 mai un incident inquiétant : un départ de feu dans le sas d’introduction des déchets du four d’incinération. Un des deux volets du sas du bouclier thermique de l'incinérateur de matières radioactives est resté bloqué. Un colis (fût) de déchets mortels en cours d’introduction dans le four d’incinération de Centraco est resté coincé à cheval dans le "tunnel" et à pris feu en dehors de la zone du four (2). L'incident n'a été déclaré que 3 jours plus tard et rendu public sur le site de l'ASN que le 26 mai, pas moins de 17 jours plus tard.

Scénario catastrophe évité de peu, le souvenir de l'accident mortel de 2008 remonte à la surface.

Cette fois-ci la cause principale du départ de feu au coeur de cette Installation Nucléaire de Base , qui s'étale sur 11 hectares, est un défaut matériel sur des volets géants. Des problèmes d’ouverture de volets de protection du sas du four d’incinération avaient déjà été déclarés à l’ASN ces dernières années. En 2020 bis-repetita. Après cinq minutes, le bouclier thermique que le système électronique-mécanique aurait du fermer a du être fermé manuellement en catastrophe par un salarié. En contact avec le volet chauffé à blanc par le four, l’un de deux futs présent s’est enflammé. Une augmentation de température a envahi dans le sas.

Le système d’aspersion d’eau et le système d’extinction à l’azote du local ont du être activés en urgence : le premier système lors de l’atteinte d’une température dite de « seuil haut », puis second le système lors de l’atteinte de la température dite de « seuil très haut ». Il a fallu alors mettre en sécurité le fut non enflammé et tandis que l’autre fût était en feu et que les systèmes automatiques de sécurité incendie ne parvenaient pas à l'éteindre, il a été nécessaire de l’éteindre au moyen d’un extincteur manuel.

centraco-socodei-Cyclife.jpgL’ASN classe cet incident au niveau 1 de l’échelle INES (échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques, graduée de 0 à 7 par ordre croissant de gravité). Mais, bon prince, l'Autorité demande à Cyclife-EDF de bien vouloir examiner la fiabilité du système d’introduction des fûts dans le four d’incinération et de réanalyser le caractère suffisant du programme de maintenance de ce système. C'est le moins que l'on puisse faire. Et une mise à l'arrêt le temps de voir en profondeur la situation de l'installation et la sécurité des travailleurs, non?

Des incidents à répétition parfois mortels

Ce four de fusion de matériaux radioactifs du Centre de traitement et de conditionnement de déchets et effluents radioactifs (Centraco) porte la poisse. Fonctionnant sur le site atomique militaire du CEA à Marcoule-Codolet depuis 1990 il a été créé en même temps que le premier centre de stockage de surface géré par l’ANDRA. Appartenant à présent à la filiale 100% EDF "Cyclife France" qui s'appelait Socodei jusqu’en avril 2019 il a connu de nombreux problèmes. En 2008 un ouvrier, José, avait été brulé mortellement par les déchets en fusion et la radioactivité. D'autres de ses collègues avaient été contaminés et un sous-traité brûlé à 85% . Le four contenait 4 tonnes de matériaux radioactifs et 500 fois plus de radioactivité que déclaré (3)

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(1) Cyclife France traite les déchets dit très faiblement à moyennement radioactifs/FMA de 100 becquerels par gramme à 1 milliard de becquerels par gramme (1 MBq/g à 1 GBq/g) à vie courte (300 ans de dangerosité mortelle), issus notamment des centrales atomiques de EDF et des installations nucléaires de Areva-Orano. A fin 2015 environ 900.000 m3 de déchets radioactifs FMA-VC avaient été généré en France par l'industrie nucléaire tricolore. Elle accepte aussi les déchets des nucléaristes étrangers. Business is business. 

(2) Les fûts sont introduits dans un sas en amont du four d’incinération. Ce sas est ensuite fermé dans sa partie supérieure avant ouverture, successivement, d’un bouclier thermique et de volets de protection situés dans la partie inférieure du sas, pour l’introduction des fûts dans le four.

(3) Sur les 95 000 tonnes de déchets radioactifs traités par Centraco depuis 1999, 4540 tonnes de déchets solides et liquides ont été incinérés, 753 tonnes de déchets métalliques ont été fondus et 262m³ de résines échangeuses d’ions traitées sur des sites nucléaires