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2019 : 34 milliards € pour la guerre - 1,4 milliards € pour la santé .  2019 : 5 milliards € pour les armes nucléaires = 100.000 lits de soins intensifs + 10.000 ventilateurs + salaires de 20.000 infirmières et 10.000 médecins

Montrer ses muscles même en pleine pandémie de coronavirus semblerait être une priorité pour le ministère des Armées, le gouvernement d'E.Philippe et le président Macron. Le mardi 31 mars 2020, les Forces aériennes stratégiques (FAS) auraient réalisé une simulation de frappe nucléaire. Étrange message envoyé, quand, dans le même temps l’ensemble de la planète subit un désastre sanitaire grave ; même s’il n’est pas comparable à celui que provoquerait l’utilisation d’une arme nucléaire. En cas de détonation nucléaire, ne cherchez ni personnel de santé, ni masque ou gel hydroalcoolique…

ICAN_campagne-internationale.jpgLes exercices de frappes nucléaires ne sont pas des actes anodins. Quatre sont réalisés chaque année, chacun ayant pour objectif de simuler un raid nucléaire et de délivrer un missile ASMP-A (d’une puissance de 300 kilotonnes) ; heureusement dans ce cas factice. Ce type d’exercice a pour objectif de montrer que la politique de dissuasion nucléaire fonctionne ; même en temps de crise. Qui en aurait douté ? La Russie ou la Chine, pour ne citer que ces deux États figurant parmi les cibles de l’arsenal nucléaire de la France.

Si le Président de la République, d’après différentes déclarations (1), n’est pas encore prêt à signer le traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), il aurait été en cette période de crise mondiale nettement plus préférable de s’abstenir) de montrer sa capacité à provoquer des conséquences humanitaires catastrophiques.

Cette politique de défense — qui repose sur la perspective d’utiliser une arme de destruction massive —, en contradiction avec toutes les règles du droit international humanitaire, est à l’inverse de ce que de nombreuses personnalités et scientifiques préconisent sur « l’après » crise sanitaire :

Bertrand Badie, « autrefois, la guerre visait la puissance et impliquait de mobiliser les instruments classiques de puissance. Désormais, la faiblesse est au centre de la cible, elle est pour tous, la principale menace et justifie la mobilisation de recettes plus sociales que militaires. Erreur impardonnable de ne pas l’avoir compris à temps » ;
Edgar Morin, il faut « ressentir plus que jamais la communauté de destins de toute l’humanité » ;
Corine Pelluchon, il faut « nous conduire à habiter autrement le monde » ;

L’entrée en vigueur et la mise en œuvre du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires/TIAN (2) devient encore plus urgente ; car il va permettre de stigmatiser les États possédant des armes nucléaires, et exercera sur eux une pression juridique, politique, diplomatique, et économique…

Nota : Les forces aériennes stratégiques (FAS) françaises ont été créées le 14 janvier 1964. Elles sont chargées de l'emploi des armes nucléaires au sein de l'Armée de l'air française. Les FAS sont l'une des trois composantes de la Force de dissuasion nucléaire française avec les Forces océaniques stratégiques (FOST) qui met en oeuvre les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) et la Force aéronavale nucléaire (FANU) qui sont chargées de l'emploi des armes nucléaires de la Marine nationale. Jusqu'en 2007, le commandement des forces aériennes stratégiques (CFAS) était situé sur la base de Taverny sous la forêt de Montmorency avec le centre d’opérations des forces aériennes stratégiques (COFAS). Un PC "Gypse", construit à 50 mètres sous terre, avec un abri antiatomique destiné au pouvoir exécutif est opérationnel depuis 1967. Un état-major est aussi installé sur la Base aérienne 107 de Villacoublay et un centre d’opérations (COFAS) de dévolution sur la Base aérienne 942 de Lyon-Mont Verdun assure « le suivi permanent des moyens, la capacité de réaliser une montée en puissance immédiate de ces moyens, la planification et la conduite des missions ».
En 2019, les deux escadrons comptent 48 Rafale B dont 25 environ peuvent être mis en vol immédiatement (Entre 1988 et 2018, 12 Mirage 2000N auront été perdus sur un total de 75 appareils). La 31e escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique (31e EARTS) basée à Istres (BdR) était composée d'appareils 14 C-135 FR remplacés progressivement par 15 Airbus A330 MRTT « Phénix » Un C-135F (n°473) s'est écrasé le 30 juin 1972 au cours de la campagne des essais nucléaires français entrainant la mort des six membres d'équipage.
En 2023 cette escadre aérienne sera en mesure de parcourir 20 000 kilomètres avec 20 Rafale et 10 MRTT en 48 heures, tout en emportant le fret et le personnel qui permettra de soutenir dans la durée le rythme d’une attaque aérienne.
Chaque année les FAS effectuent des exercices d'alerte et de raid aérien nucléaire au cours de deux opérations : « Banco » et « Poker ».  La première, effectuée deux fois par an, sort les missiles nucléaires et la quasi-totalité des têtes nucléaires des dépôts cachés et les monte sur les avions Rafale pour tester une situation où le président de la République donne l'ordre de frappe nucléaire sur un objectif. La seconde opération est un raid aérien de plusieurs heures des avions de guerre équipés d'un armement inerte au-dessus du territoire national avec les phases de ravitaillement en vol, pénétration en basse altitude et tir fictif du missile.

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(1) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/02/07/discours-du-president-emmanuel-macron-sur-la-strategie-de-defense-et-de-dissuasion-devant-les-stagiaires-de-la-27eme-promotion-de-lecole-de-guerre

(2) http://icanfrance.org/traite-interdiction-armes-nucleaires/

src :
https://lemamouth.blogspot.com/2020/04/pendant-ce-temps-un-poker-dans-le-ciel.html
http://icanfrance.org/un-exercice-nucleaire-en-pleine-crise-du-coronavirus/