Le déclin de l'empire nucléaire
Par Rédaction le vendredi 27 décembre 2019, 14:29 - International - Lien permanent
2010-2019 : De Fukushima à Flamanville, la décennie noire du nucléaire annonce la fin inéluctable de la destruction atomique comme technique de production indirecte d'électricité. Si les catastrophes nucléaires illustrent à l'extrême, avec la bombe atomique, la dangerosité du nucléaire, les raisons de fonds du déclin sont aussi économiques et industrielles.
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Si la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daïchi a fait vaciller en 2011 la filière atomique mondiale, le bilan noir de la décennie pour la nucléocratie repose aussi sur des raisons de fonds économiques et industrielles. Le nucléaire coûte de plus en plus cher, est trop complexe à construire et à faire fonctionner au regard notamment des énergies renouvelables. L'illustration en est données par les EPR de Flamanville et de Finlande qui coûteront entre trois et quatre fois plus que ce qui était initialement budgété et avec des retard qu'aucun autre secteur industriel n'accepterait de subir sans y mettre un terme immédiat..
Japon
Et les dangers extrêmes, qui jusqu'à présent étaient contenus et masqués par une propagande habile et répétée dans les quelques pays nucléarisés, ne sont plus acceptés par les populations. Neuf ans après le commencement le 11 mars 2011 de la catastrophe atomique au Japon, le gouvernement nipon peine à convaincre les habitants expulsés des zones contaminées d'y revenir malgré une décontamination de surface qui a déjà coûté 24 milliards d'euros au pays du soleil levant. La facture s'alourdit un peu plus chaque jour et les pertes de l'entreprise privée Tepco ont du être reprises par l'Etat faute d'autre solution. Privatisation des profits, collectivisation des pertes au détriment des autres budgets d'Etat (enseignement, santé, culture, social,...)
Sur les 54 réacteurs nucléaires du Japon - tous arrêtés dans l'année qui a suivi la catastrophe - seuls sept ont redémarrés plus ou moins et dans un contexte d'hostilité croissante des habitants et riverains qui, au Japon, ont leur mot à dire à l'inverse de la France où jamais n'a eu lieu une quelconque consultation publique sur le choix du nucléaire.
Chine
Conséquence rapide aussi de la catastrophe japonaise qui a fait suite à celle de Tchernobyl en 1986 (où le coût de limitation des radiations par le recouvrement par une succession de sarcophages géants en béton de la centrale explosée ne cesse de gréver le budget du pays) : la sortie définitive du nucléaire en Allemagne pour 2022. La Chine, elle, a gelé pendant plusieurs années ses autorisations de construction de nouveaux réacteurs atomiques. Seuls
deux réacteurs EPR ont commencé à produire de
l'électricité à Taishan après quatre années de retard.
France
Et même la France, accro et dépendante à 75% de la destruction atomique, a été contrainte de mettre en place des mesures de sûreté renforcées (dont toutes les centrales ne sont pas encore équipées) alourdissant encore un peu plus le coût du kW d'origine nucléaire. Plusieurs hausses des tarifs d'électricité ont ainsi alourdit le budget des consommateurs-abonnés de EDF. Et l'Etat a du voler au secours de l'électricien en lui octroyant une dote de 2 milliards d'euros pour lui éviter la faillite, tout comme il l'avait fait pour Areva devenu Orano après avoir perçu, elle, 7 milliards d'euros de l'Etat. Et ce n'est pas les effets d'annonces par le gouvernement Macron/Philippe de construire et implanter en France dans les années à venir 6 réacteurs nucléaires EPR qui feront illusion. Alors que le premier réacteur atomique EPR en construction dans le pays à
Flamanville affiche dix ans de retard pour un coût multiplié par près
de quatre. Mais comme en France, les risques sont reportés, sous une
forme ou sous une autre, sur les contribuables et consommateurs...
Et l'aventure casse-coup et mégalomaniaque de EDF au Royaume-Uni dans son autre projet d'EPR à "Hinkley Point" a conduit à la démission du Directeur financier de l'électricien opposé à cette gabegie et à ce risque hypothéquant l'entreprise dont la facture est passée su ce projet de 16 milliards de livres à près de 22 milliards. Et ce n'est pas fini.
Les français semblent bien piègés car ou bien les vieilles installations périmées bénéficient de rafistolages coûteux voir exorbitants sans garantie de plus de sécurité réelle et de tenue pour les années suivantes ou bien chaque année ils devront payer les coûts du démantèlement ou bien de la construction, dans une fuite en vant, de nouvelles installations nucléaires pas du tout concurentielles face aux énergies renouvelables.
Finlande
En Finlande, la technologie franco-allemande de l'EPR piloté par
Areva (devenu Orano) et Siemens (qui s'est retiré avant le fiasco),
accumulent les retards et explosion de budgets. Avec de fortes pénalités
financières pour le français. Et un sixième retard de mise en service
du réacteur Olkiluoto 3 vient d'être annoncé par TVO (l'exploitant
finlandais) ce 19 décembre alors que la mise en service avait été
programmée pour 2009. Ce qui devait constituer la vitrine
internationale à l'export du savoir-faire franco-allemand, en lançant en
2004 ce chantier pharaonique en est à sa dixième années de retard et de
non-rentabilité. Production électrique espérée à présent pour 2021. Si
tout va bien.
Etats-Unis


Actuellement, 82 réacteurs sont en cours de démantèlement en Europe. 4 réacteurs ont déjà été démantelés jusqu'à présent: ceux de Khal et Niederaichbach en Allemagne ( 23 et 21 ans pour parvenir à la décontamination des sites mais pas des déchets), de Lucens en Suisse et de Mol en Belgique (22 ans de travaux).

Les difficultés de la filière nucléaire ne se résument pas aux problèmes de l'EPR. Pour l'Agence internationale de l'énergie (AIE), partout le renforcement des normes de sûreté conduit les opérateurs nucléaires à des investissements qui renchérissent le prix de l'électricité nucléaire, alors que les installations vieillissent et nécessitent, comme en France par exemple, des budgets d'entretien de plus en plus élevés. La catastrophe de Fukushima n'a fait que renforcer des tendances déjà existantes. « Le principal facteur est économique car dans des économies avancées, l'équation est devenue très compliquée (Les énergies renouvelables constituent désormais) une façon plus économique de produire de l'électricité » et comme en occident (France, Finlande, Etats-Unis) il a été très difficile de "construire à temps et en respectant les budgets » la rentabilité à court terme et celle à moyen terme joue en faveur des renouvelables.
Du simple point de vue capitalistique, le nucléaire est un secteur à fuir. Sauf à ce que les Etats garantissent les risques financiers d'investissement et de fonctionnement et ceux liés aux catastrophes nucléaires. En Europe, l'existence d'un marché du carbone et de droits à polluer rendent l'énergie nucléaire encore un peu attrayante pour quelques rares audacieux investisseurs.
Bilan
La part du nucléaire dans la production mondiale d'électricité diminue d'année et année : si en 1996 elle voisinait 17,6 %, aujourd'hui elle ne dépasse qu'à peine les 10 %. Malgré le raccordement d'une trentaine de centrales pendant les dix dernières années, le nucléaire n'y assure cependant que 4 % de la consommation finale d'énergie, moins que l'éolien.
Au final, le bilan de cette décennie est sombre pour le nucléaire; et les années à venir certainement encore plus catastrophiques. D'autant que la facture des démantèlement des installations atomiques va se présenter chaque année. Pas sûr que les jeunes et les nouvelles générations qui hériteront et héritent déjà et de l'inconséquence de leurs parents et de leurs déchets mortels l'acceptent facilement. Il faudra bien rendre des comptes.
Bonne année 2020 libérée de l'écocide nucléaire.
Commentaires
merci de cette mise au point exhaustive se la situation du nuk; de quoi terminer 2019 sur une note d' espoir !
Japon : chaque jour plus de 300 tonnes d’eau douce qui doivent être injectées pour refroidir les coeurs des réacteurs nucléaires explosés de Fukushima-Daïchi. Elles se répandent dans les parties basses et se chargent en radioéléments par contact avec les "combustibles" nucléaires fondus dans les entrailles des réacteurs détruits. Cette eau radioactive doit être repompée et traitée pour être réintroduite dans les circuits de refroidissements des réacteurs. C'est sans fin.
En réalité, une grande partie de ces eaux mortelles, gorgée notamment de Tritium radioactif, n'est pas réinjectée dans ces circuits et est entreposée comme déchets dangereux dans une multitude des réservoirs. Plus d’un million de tonnes d’eaux contaminées sont à ce jour stockées dans un millier de citernes. En 2022 ces citernes seront pleines et leur étanchéité ne sera plus assurée.
L’Agence internationale de l’énergie atomique, que certain-es croient être une agence de limitation du nucléaire mais est en fait la structure de promotion du nucléaire "civil", prône la rejet dans l’environnement par la dilution en mer et l’évaporation dans l’air des tonnes d'eau radioactives. Le gouvernement japonais et les entreprises nucléaires adhèrent à cet objectif de contamination du Pacifique. Prudents pour leur biseness ils attendront la fin des JO de Tokyo (2020) pour commencer leur crime contre le vivant.
Japon (Le Monde) : Initialement prévu pour débuter en 2023, le retrait du combustible usé de la piscine de stockage du réacteur numéro 1 ne commencera pas avant 2027 ou 2028, et celui du réacteur 2 est aussi différé à une fenêtre allant d’avril 2024 à mars 2026. Chacune de ces tâches doit durer deux ans.
Les autorités et la compagnie Tokyo Electric Power (Tepco), qui gère le démantèlement, se rendent compte au fil des avancées que les travaux sont bien plus compliqués que prévu. « Le retrait du combustible usé est en cours dans la piscine du réacteur 3, et c’est une succession de problèmes », a confié cette semaine à l’Agence France-Presse un porte-parole de Tepco.
Tokyo a décidé vendredi 27 décembre de différer de quatre à cinq ans une partie des tâches délicates prévues à la centrale de Fukushima Daiichi.
Pour le moment, le gouvernement et Tepco estiment que le démantèlement complet de la centrale prendra une quarantaine d’années. Nombre de spécialistes jugent toutefois que compte tenu de l’état du site, l’échéancier est difficilement tenable.