Un "incident", qui pourrait avoir de graves conséquences pour la population et la région, est en cours depuis dimanche 3 février à 2h30 sur le réacteur n°2 de la centrale nucléaire du Tricastin (Vaucluse-Drôme) en arrêt technique depuis le 26 janvier 2019. Ce n'est que le lendemain 4 février qu'EDF annonce discrètement qu’un des 157 assemblages de produits de fission radioactifs (combustible) en cours de retrait reste accroché et coincé à 9 mètres sous l'eau borée suspendu au-dessus des autres assemblages présents dans le cœur du réacteur nucléaire. Sa chute pourrait entrainer des ruptures de gaines et un relâchement de substances hautement radioactives. Toutes les opérations de maintenance sont suspendues, le bâtiment réacteur est fermé de façon préventive.
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Un incident nucléaire qui pourrait avoir de graves conséquences est en cours depuis le 3 février au petit matin (2h30) dans la centrale atomique du Tricastin (Drôme-Vaucluse) . EDF ne l'a rendu public que le 4 février dans un simple communiqué sans prévenir ni la population ni les élu-es locaux.
Que s'est-il passé ? Quels enjeux réels pour la santé, la vie, la région ?
Lors d'opérations de maintenance sur le réacteur n°2 de la centrale nucléaire du Tricastin en arrêt depuis le 26 janvier 2019, après les opérations d’ouverture de la cuve du réacteur, un des « éléments internes supérieurs » ( assemblage de produits de fission atomique usagé faussement nommé "combustible") est resté accroché au système chargé de son retrait. L’assemblage irradié est suspendu au-dessus des 156 autres assemblages présents dans le cœur du réacteur nucléaire. Les opérations ont été aussitôt arrêtées, les travailleurs sont exposés à des risques importants et la fermeture du bâtiment réacteur est décrétée. Les équipes nationales d’ingénierie d’EDF ont été appelées en renfort pour
trouver une possibilité de décrocher l’élément de produits de fission
radioactive. Mais le matériel d'intervention envisagé pour tenter de rétablir la situation et évacuer l'assemblage vers une piscine de désactivation partielle n'est, semble-t-il pas opérationnel et n'a pas été testé quant à sa réelle fiabilité.

La chute de l'assemblage pourrait entrainer des ruptures de gaines des "crayons" de pastilles radioactives, engendrer des risques de criticité (emballement d'une réaction en chaîne atomique), un relâchement de radioactivité dans l’eau du circuit primaire, puis, par dégazage, dans l’air du bâtiment réacteur et dans l’environnement. En effet, bien que l’air du bâtiment réacteur est en théorie filtré avant rejet dans l’atmosphère, les dispositifs de filtration ne retiennent quasiment aucune substances radioactives gazeuses tels le tritium, les xénon 133 et 135, les krypton 88 et 85,... Et si il s'avérait que les produits de fission en cours de manipulation dans le réacteur était composés du terrifiant "Mox" d'Areva-Orano (mélange d'oxyde d'uranium et d'oxyde de plutonium servant à la fabrication de bombes atomiques) le risque serait démultiplié. C'est de Mox que le réacteur n°3 de Fukushima qui a explosé le 11 mars 2011 était gorgé .
Depuis la déclaration de l’incident et jusqu’à ce 6 février, 14h les
vents soufflent principalement du nord vers le sud dans le secteur du
Tricastin.
La Commission de Recherche et d’Information Indépendantes sur la
Radioactivité (Criirad fondée au lendemain de la catastrophe nucléaire
de Tchernobyl en Ukraine du 26 avril 1986) à écrit à EDF en posant des questions précises (1) car le service
communication d'EDF refuse de communiquer par oral. Peine perdue car EDF
dispose d’un délai « légal » de 30 jours pour répondre. Conclusion : la population
demeurera dans l'ignorance et engluée dans la propagande des exploitants
nucléaires. D'autant qu'à présent EDF menace toute information qui
révèlerait une vérité autre qu'officielle. Les réponses d’EDF sont
effectivement accompagnées de la phrase : « Les informations
transmises dans le présent courrier restent la propriété exclusive
d’EDF. Leur transmission, sous quelque forme que ce soit, en tout ou
partie, est soumise à notre autorisation préalable. Leur réutilisation
est interdite ».
D'autres incidents identiques ces dernières années

C’est la troisième fois en onze ans qu’un tel incident se produit à la centrale atomique du Tricastin sur le réacteur n°2. Déjà le 8 septembre 2008, 2 assemblages de combustible étaient restés coincés pendant plus de sept semaines avant qu'une solution technique puisse permettre d'éviter le pire. A l'époque, la raison officielle invoquée par l'exploitant nucléaire était qu’une bille, tombée du pont de manutention lors du rechargement précédent, avait décalé la position de certains assemblages et lors de la remise en place de la structure supérieure du cœur, EDF avait dû « forcer » pour emboîter les structures. Un an plus tard, le 5 novembre 2009, un assemblage s’était encore retrouvé coincé. Là, depuis, aucune explication n'a été fournie réellement. Mais des questions basiques se posent depuis : de combien de billes est constitué ce roulement ? combien de billes ont été retrouvé depuis 2008 ? quel type d'inspection télévisuel a était fait ? Peut-être pas beaucoup car il faut toujours qu'un incident dure le moins de temps possible car un jour de retard sur le planning c'est une perte de 1 000 000 € pour EDF. D'autant que le directeur de l'époque voulait faire fissa car il partait quelques mois plus tard chez EDF Angleterre pour y finir sa carrière.
A l'époque des travailleurs de la centrale nucléaire du Tricastin et du Comité Hygiène Sécurité et des Conditions de Travail s'étaient alarmés de l'état d'impréparation, de sous-qualification du personnel et de délabrement des installations. Exposant les salariés à des risques inadmissibles. Ainsi des salariés devaient installer une
passerelle pour placer le matériel de sécurisation des assemblages
(2 en 2008 et 1 en 2009) car le scénario catastrophe envisagé par
EDF (chute d'assemblage et rupture de gaine) menait à exposer les
travailleurs intervenants à 20Msv en 3 minutes. Danger extrême, mort quasi assurée. Si ils devaient tous
être équipé d'un Appareil Respiratoire Isolant (ARI) pour évacuer
le bâtiment réacteur par le sas 8M tous n'étaient pas formés à
l'utilisation de ce matériel de sécurité. Qui plus est, pour le
pontier polaire situé à + de 20m au dessus de la dalle, changer son
ARI équivalait à faire un arrêt au stand (comme en formule 1) pour
remplacer sa bouteille d'oxygène et évacuer rapidement par le sas. Pas facile. Et encore moins car la
boite à bouton télécommandée chargée de faire fonctionner le
pont du niveau de la dalle n'avait pas été vérifiée et ne
fonctionnait pas. Le pontier fut donc obligé de monter par une
crinoline pour accéder dans la cabine du pont. Du délire pur et
simple. Certains salariés n'avaient pas hésité
à traiter leur patron « assassin ». En février 2019 le pont polaire ne fonctionne pas...
Le 9 avril 2018 c'était le réacteur n°1 du Tricastin qui subissait un nouvel incident significatif pour la sûreté : la limite d’insertion de grappes de régulation de puissance était dépassée. On a frôlé l'explosion (2)
On
se demande légitimement à quoi servent les fameux "REX" (retour
d'expériences après des incidents ou des accidents nucléaires) tant
vantés par les exploitants nucléaires comme preuve de leur compétence et
de leur sérieux. Une certitude : le nucléaire ne peut être sécuriser et
menace en permanence la population et les territoires.
D'autant
que les Préfets en charge de déclencher les plans Orsec d'alerte de la
population et de secours ne peuvent compter que sur EDF comme source
d'information ultime pour prendre une décision en cas d'accident
nucléaire(courrier de la Préfecture de la Drôme en date du 1er décembre
2014).
Le CAN84 et d'autres associations interpellent les pouvoirs publics
L

es
antinucléaires de Vaucluse et de la Drôme ont adressé une
interpellation aux Préfets des départements ainsi qu'avec d'autres associations des départements concernés (3) à
EDF (4) , l'
ASN et à
l'IRSN (5). Il s'agit de savoir ce qui se trame et pourquoi aucune
information réelle et fiable n'a été communiquée à la population et aux
élus. Est-ce que les Service Départementaux des pompiers (SDIS) ont
procédé à des mesures indépendantes de radioactivité ? ont-ils été mis
en alerte ? Une cellule de secours a-t-elle été mise en place en
Préfectures dès l'annonce de l'incident ? Les établissements scolaires
environnant et les hôpitaux ont-ils été mis en état d'alerte ou de
pré-alerte? Les voies d'évacuation ont-elles été testées sur leur
capacité à évacuer les populations en cas de besoin ? Des pastilles
d'iode
ont-elles été distribuées préventivement aux riverains? A quel moment
EDF a-t-il prévenu l'ASN et a-t-elle déclaré l'incident?
Lorsque les riverains seront informés, lorsque la population de Drôme-Ardèche-Vaucluse saura : il sera trop tard.
On ne badine pas avec le nucléaire même pour quelques kilowatts heures en surplus.
La Presse en parle
La Provence

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(1) S'agit(il de Mox ? Combien de cycles a-t-il subi ? Quel est le
débit de dose théorique gamma et neutrons au contact de cet assemblage
s’il était hors d’eau ? Quelle était l’activité de l’eau du circuit
primaire avant le début des opérations de déchargement (activités des
iodes , des gaz rares dissous, des autres produits de fission) ? Quelle
est la périodicité de contrôle de l’activité de l’eau du circuit
primaire depuis l’incident ? Peut-on avoir communication de ces
résultats depuis l’incident ? Quelle est la température de l’eau du
circuit primaire actuellement ? Quel est l’état général des gaines des
crayons de cet assemblage (taux de fuite) ? Quelle est sa masse ?
(confirmez-vous la valeur de 750 kg ?) Quel est le débit de dose maximal
enregistré actuellement dans le bâtiment réacteur sur des secteurs
accessibles aux opérateurs ? A quelle hauteur l’assemblage est-il
actuellement suspendu par rapport à la partie supérieure des 156 autres
assemblages restés en place ? Quelle est la masse totale actuellement
suspendue au-dessus du cœur du réacteur ? (Confirmez-vous la valeur de
65-66 tonnes ?) Pendant combien de temps le pont de manutention est-il
dimensionné pour soutenir cette masse? EDF a-t-il procédé ou fait
procéder d’une part à une évaluation des risques de criticité, d’autre
part des risques de dispersion de matières radioactives dans l’enceinte
de confinement et à l’extérieur de la centrale en cas de chute de
l’assemblage coincé ? Peut-on avoir copie des rapports techniques
associés à ces simulations ? Depuis l’incident du 3 février 2019, le
tampon matériel a-t-il été ouvert ? Si oui, à quelle date ? Pour quelle
durée ? L’introduction des outillages télécommandés pour sécuriser
l’assemblage nécessite-t-elle l’ouverture du tampon matériel ? En cas
de détection d’une augmentation brutale de la radioactivité au-dessus de
la cuve du réacteur, combien de temps faut-il pour refermer le tampon
matériel ? Existe-t-il un dispositif d’urgence permettant de collecter
et de stocker dans une capacité, l’air sortant du tampon matériel en cas
de réalisation d’opérations à risque ? Quelle est la cause du blocage ?
S’agit-il comme en 2008 d’un problème qui aurait pu être anticipé lors
du précédent rechargement ? Les outillages nécessaires pour stabiliser
l’assemblage et procéder à son extraction sont-ils disponibles ? Nous
souhaitons être informés de la date des opérations de stabilisation et
d’extraction de l’assemblage à l’adresse laboratoire@criirad.org .
Quelle est l’activité des rejets gazeux dans l’environnement (gaz rares
radioactifs, halogènes gazeux, tritium, carbone 14, autres aérosols
radioactifs) sur le mois de janvier et les premiers jours de février
2019 ? EDF a-t-il mis en place une surveillance renforcée de la
radioactivité de l’air ambiant sous les vents du CNPE du Tricastin ?
Quels sont les résultats de mesure de l’activité des gaz rares
radioactifs dans l’air ambiant à l’extérieur du CNPE depuis le début des
opérations de maintenance en cours ?
(2)
https://www.asn.fr/Controler/Actualites-du-controle/Avis-d-incident-des-installations-nucleaires/Non-respect-de-la-limite-d-insertion-des-grappes-de-regulation-du-reacte
(3) Communiqué commun CAN 84, FRAPNA Drôme Nature Environnement, Collectif Halte Aux Nucléaires Gard (ADN), Ma Zone Contrôlée, Réaction en Chaîne Humaine, Réseau "Sortir du nucléaire", Sortir du nucléaire Sud Ardèche, Stop nucléaire Drôme-Ardèche (ADN), Stop Tricastin
(4) http://www.coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/public/pdf/2019-02-15_dem_edf_tricast_blocage-barre-uranium.pdf
(5) http://www.coordination-antinucleaire-sudest.net/2012/public/pdf/2019-02-15_dem_ASN_tricastin_blocage-barre-uranium.pdf
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