Cruas-Meysse : le redémarrage du réacteur n°1 suspendu et des craintes sur le réacteur n°3
Par Rédaction le jeudi 13 septembre 2018, 17:59 - Ardeche - Lien permanent
Un véritable festival de dysfonctionnements et de menaces en tous genres. Voilà ce qu'à révélé une inspection inopinée du chantier de rechargement en produits de fission atomique ("combustible") du réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse. Le redémarrage du réacteur n°1 est suspendu à la résolution des dysfonctionnements.
Alors que le réacteur nucléaire n°1 de la centrale nucléaire de Cruas-Meysse (INB n 111) est à l’arrêt pour maintenance programmée et renouvellement partiel des produits de fission atomique (combustible) une inspection inopinée sur place de l'ASN est accablante et a de quoi inquiéter sérieusement. Le 5 septembre dernier n'a pas été du goût des inspecteurs et ils l'ont fait savoir au Directeur de la centrale atomique d'Ardèche de EDF (INSSN-LYO-2018-0459.CODEP-LYO-2018-045457 du 13 septembre 2018).
Rouille, soupapes défaillantes, mémoires informatiques modifiées
Le contrôle des opérations de déchargement du combustible et les opérations de maintenance réalisées laissent pantois : ainsi notamment des activités de maintenance sur les soupapes du circuit primaire principal au coeur de l'enceinte de confinement, ou encore du pilotage du tube de transfert du combustible lors de son retour à vide du côté du bâtiment réacteur où malgré les investigations avec le constructeur de la machine l’origine d'un dysfonctionnement (aléa) n’a pu être identifiée.
Ou encore la décision prise de remplacer la mémoire initiale de la machine de type
EPROM (Erasable programmable read-only memory) par une mémoire de type
RAM (random access memory) avec une temporisation de type TOR modifiée à
une seconde qui n'a pas permis non plus aux inspecteurs de trouver quels
avaient été les requis pour requalifier le fonctionnement du tube transfert
en mode automatique.
Ainsi encore des conditions de réalisation des contrôles ou encore des non-remises en conformité des situations problématiques existantes telles les vases d’expansion du circuit DEL pour lesquels un écart de conformité a été mis en évidence et pour lesquels les inspecteurs ont constaté que l’ancrage et l’état général des pompes (DEL 001 et 002 PO) étaient dégradés avec une présence de rouille bien marquée.
Un véritable festival de dysfonctionnements et de menaces en tous genres.
Le plan d’action (PA) qui devait être mis en oeuvre depuis des mois pour résoudre l’ancrage défaillant du pupitre de commande du groupe électrogène de secours (système LHP) n’a toujours pas été réalisés alors que le rapport transmis par EDF à l’ASN indiquait noir sur blanc que l’écart était considéré comme corrigé sur l’installation (« contrôles et remise en conformité réalisés »). Pour les inspecteurs "Ce constat met une nouvelle fois en évidence des lacunes dans le processus de traitement des écarts sur la centrale nucléaire de Cruas Meysse : cela confirme le caractère insatisfaisant de cette organisation, qui avait fait l’objet d’une inspection renforcée, menée du 5 au 7 juin 2018" ( 1).
Autrement dit il faudrait arrêter de pipeauter, de raconter des sornettes et d'entourlouper tout le monde. Et de faire planer sur la région des menaces et dangers en plus des rejets radioactifs quotidiens.
Et aussi d'arrêter de mettre des embûches dans le travail de contrôle
et d'accès des inspecteurs en zone orange dont, selon la procédure
d'EDF, l’autorisation d’accès et d'identification des zones pour les
inspecteurs de l’ASN se fait en temps réel par une personne compétente
en radioprotection. "Cette organisation a posé plusieurs difficultés le jour de l’inspection".
Ainsi, alors que les inspecteurs avaient identifié deux chantiers
qu’ils souhaitaient contrôler dans l'enceinte de confinement - et non
des moindres - ceux des soupapes du circuit RRA (2) et la modification
du support de la soupape RIS 215 VP qui gère la pression de début
d'ouverture de soupapes de sûreté à haute pression : une seule
autorisation d'accès leur a été délivrée. " Les inspecteurs
considèrent que votre procédure ... peut constituer un frein à la réalisation des actions de contrôle des
inspecteurs". Et la Chef de Division de l'ASN de mettre les points sur les i : " Je
vous demande de définir et mettre en place des dispositions qui
permettent aux inspecteurs de réaliser, en tant que de besoin, le
contrôle de chantiers se déroulant dans des locaux classés en « zone
orange » dans un délai compatible avec le délai nécessaire pour accéder
en zone contrôlée." En clair : arrêtez de nous balader et de gagner du temps, d'entraver nos contrôles.
Le redémarrage du réacteur n°1 suspendu à la résolution des dysfonctionnements
L’ASN veut, souhaite, espère que EDF définisse - enfin - des actions immédiates exhaustives de vérification de la totalité des plans d’actions (PA) soit-disant traités notamment pour confronter l’état réel de l’installation par rapport à l’état décrit. Le redémarrage du réacteur n°1 est suspendu à ce bilan. Il serait temps qu'EDF s'engage aussi sur des actions de moyen et long terme précises pour renforcer son organisation dans le traitement des dysfonctionnements qui ont déjà été demandés comme, par exemple, "le rebouchage de trous abandonnés dans le génie civil à proximité des ancrages du climatiseur LHP001CI, le renforcement de l’ancrage du pupitre LHP par neuf nouvelles fixations".
C'est que la fiabilité des informations présentes dans ces PA constitue un
enjeu majeur et capital puisqu’elles reflètent la mise en place des actions
préventives, correctives ou curatives et donc l’état des installations
vis-à-vis des exigences du référentiel d’exploitation. D'autant que c'est sur ces documents que s'appuie tant EDF que l'ASN pour valider les changements d’état d’arrêt et de redémarrage de tranche, de passage au-delà de 110°C puis de la reconnexion au réseau électrique (divergence).
Autre traitement à la légère de la sécurité des réacteurs atomiques : à deux c'est mieux et indispensables mais tout seul c'est plus simple, ... mais beaucoup plus risqué. Ainsi pour le contrôle et la vérification du bon positionnement du système électrique de régulation générale (KRG) du réacteur atomique. Notamment celle des cosses "Faston" dans les armoires de ce système qui doit être réalisée à l’aide d’un endoscope par une équipe composée de deux intervenants : l’un manipule la caméra au niveau des cosses pendant que l’autre vérifie sur l’écran le bon positionnement de la cosse. Eh bien à Cruas-Meysse on fait ça en solo : l’agent en charge du contrôle technique est le même agent qui réalise la vérification du bon positionnement. On ne va quand même pas s'embêter avec l’arrêté du 7 février 2012 qui fait obligation que « Les personnes réalisant le contrôle technique d'une activité importante pour la protection sont différentes des personnes l'ayant accomplie ».
Réserve et inquiétudes pour le réacteur n°3
Avant le début de l’arrêt du réacteur n°3 pour rechargement en produits de fission atomique (combustible) et de la maintenance qui doit avoir lieu prochainement les inspecteurs de l'ASN sont inquiets. Ils souhaitent vivement que EDF identifie fissa les dysfonctionnements ayant généré la situation sur le réacteur n°1 et mette en place les actions permettant d’en éviter le renouvellement. "Je vous demande de mettre en place une organisation permettant la
réalisation du contrôle technique de cette activité importante pour la
protection conformément aux exigences de l’arrêté du 7 février 2012." précise dans sa lettre de suivit la chef de la division de Lyon de l’ASN.
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(1) lettre de suite référencée CODEP-LYO-2018-039551 du 13 août 2018, disponible en ligne sur le site internet de l’ASN).
(2) Deuxième principal circuit auxiliaire, le circuit de refroidissement du réacteur à l’arrêt (RRA) a pour fonction, lors d’une mise à l’arrêt du réacteur, d’évacuer la chaleur résiduelle produite par le combustible dans la cuve du réacteur et d’éviter l’échauffement de l’eau du circuit primaire dû à la présence de combustible dans le cœur.
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