Comment l'Impossible Procès est devenu Possible, Francesca y était : son témoignage.
Par Gilbert Tallent le samedi 23 septembre 2017, 22:48 - National - Lien permanent
Le
Procès que tous jugeaient Impossible, a eu lieu au Palais de
Justice, le mardi 12 septembre 2017, devant la 17ème chambre de
Paris, spécialisée en droit de la presse. Ca se lit comme un thriller...
__
Vers midi : Prélude et prise de contacts. Deux banderoles déployées devant le Palais :
- l'une : "Liberté d'expression, on ne nous fera pas taire, le nucléaire tue"
- et l'autre déployée
par Chantal pour la FAN et la CANO : "Etat + Areva = Mafia".
Après une longue patience, nos amis sont entendus :
La Présidente L'assesseur
Jean
Revest, de dos, est entendu , de profil :
--
La liberté surveillée des blogueurs :
Jean Revest (quel que soit son état civil pour la police) est accusé d'avoir écrit un article qui nommait Areva : " Le géant de la mort nucléaire".
Jean-Jacques Mu, blogueur sur Médiapart est
accusé d'avoir repris l'article et l'appellation infamante : en
fait, dès qu'il a pris connaissance de la plainte, il a retiré les
expressions incriminées mais il a laissé le lien vers l'original,
toujours visible sur le site de la CAN-SE.
NB : il semble bien que
la jurisprudence exclue les liens hypertexte de la responsabilité
des blogueurs. On peut faire une citation pour alimenter la
réflexion, sans être accusé d'y adhérer point par point. Bon à
savoir.
--
D'impossible à possible :
Revenons au titre de ce texte , allusion à la pièce de la Compagnie Brut de Béton : « l'Impossible Procès » (L'impossible procès) qu'est-ce qui a rendu POSSIBLE ce qui se déroule sous nos yeux ??
Il était jusqu'ici impensable que la justice
convoque le lobby, pieuvre aux bras trop longs - la pièce l'imagine
dans un contexte de post-catastrophe - mais Areva – par
inconscience ou arrogance sans limite - ose prendre les devants :
c'est le coupable qui se retourne contre ses victimes non
consentantes ! D'autant plus étrange que l'article incriminé
ne vise pas directement le géant intouchable, mais les élus d'EELV
qui ont trahi leurs électeurs en allant faire leurs besoins juste au
moment où les conseillers UMP et socialistes d'Avignon acceptaient
l'offre de mécénat d'Areva. Si on ne peut pas interroger des élus
sur leur mandat, où va-t-on ? Voilà Areva prise au piège de sa
défense d'un honneur depuis longtemps perdu.
-- L'honneur
des militants :
JJ Mu n'a pas de problème d'honneur : il déroule
avec simplicité son parcours courageux, de jeune apprenti à éditeur
engagé. Sur le site de la Can-SE, une amie de Jean regrette que ce
dernier n'en ait pas fait autant. Jean, accusé d'être l'auteur de l'article original, soutient que sa rédaction est collective et de ce fait la responsabilité de sa publication l'est également. Cela sans se
défiler : il y a des articles personnels, donc signés, et des
articles collectifs, dont le groupe assume collectivement la
paternité. Cette position est belle, forte et légitime.
Toujours
est-il qu'à ce stade, JJ Mu est passé d'accusé à ACCUSATEUR. Et
il marque des points : Areva géant de la mort nucléaire ? Mais bien
sûr ! Il arrive souvent que des magistrats, devant une conduite à
risques, par exemple un excès de vitesse, recourent au concept de
conduite "criminogène". La conduite d'Areva EST
criminogène. Si le langage est fougueux, c'est que la radioactivité
a été multipliée par 2 : l'intelligence collective doit s'opposer
à ces coups répétés contre la vie..
-- Hommage à la culture :
JJ Mu cite comme témoin Bruno Boussagol, le
metteur en scène et acteur de « L'Impossible Procès »Là
encore, joli basculement d'« impossible » à
« possible ». Celui qui, au théâtre, incarnait
l'arrogance inébranlable du lobby, prêt à défier Dieu, dénonce
ici les « violences d'État » contre lesquelles il n'y a
pas d'autres recours que l'indignation. Un des comédiens de la
troupe ( J-Louis Debard) a prêté sa plume au texte édité par J-J
Mu aux éditions ABC. Areva n'avait alors rien trouvé à redire,
peut-être considérait-elle que la culture c'est un truc, juste bon
pour les marginaux. Et elle n'a pas tout à fait tort !
Auparavant,
Bruno, en précurseur, avait mis en scène la Supplication de
Svetlana Alexievitch, prix Nobel de Littérature en 2014. La
Présidente rend hommage à sa clairvoyance d' « homme de
culture». Oui : la force poétique, c'est notre arme ! La plus
efficace qui soit !
Bruno, de dos, témoigne :
--
L"éthique" d'Areva :
Bruno avait campé un portrait transposé, effrayant et ressemblant de l'outrecuidant lobby. Ici le dit lobby a pensé jouer finement en se faisant représenter par une jeune avocate à la crinière électrique, à l'allure non conformiste. Le lobby malfaiteur se pose en mécène bienfaiteur, défendant son honneur et, par la même occasion, l'honneur de ceux qui se sont laissés séduire, avec pour résultat escompté de diviser un peu plus la difficile lutte antinucléaire. L'avocate affirme sans vergogne qu'Areva est ouverte à la critique puisqu'elle organise conférences et débats. La responsabilité de tuer et de contaminer ? - "c'est un parfait mensonge". Le MOX n'a RIEN d’Illégal et ce n'est pas le MOX qui est responsable de l'explosion de Fukushima. Areva a rédigé un CODE ÉTHIQUE, comprenant les BONNES PRATIQUES auxquelles elle soumet ses partenaires. Le menteur appelle "mensonge" le dévoilement de ses turpitudes, l'escroc dissimule ses contaminations en appelant ses victimes à l'éthique et à la « responsabilité » ! Les inculpés voudraient faire le procès du nucléaire "mais ce n'est pas le lieu". Ah bon ? Où est donc ce lieu où Areva répondra enfin de ses aberrations ?
Un
lion au plafond :
L'avocate
d'Areva :
La
procureure :
-- Madame
la Procureure :
La
dame qui se dresse à la gauche de la Présidente, commence sur un
registre très bureaucratique, enfonçant ce qui m’apparaît comme
des portes ouvertes mais, par un glissement imperceptible, les
évidences se nuancent.
A un moment, il n'y a plus de doute
possible, je dois en croire mes oreilles : "cet article
éveille les consciences sur des risques aux conséquences
dramatiques." La dame a été sensible à l'argument "excès
de vitesse" de JJ Mu : Areva participe au développement du
nucléaire en France et dans le monde, Areva a conscience de la
dangerosité du Mox, elle n'a pas l'intention de tuer mais sa
participation au développement du nucléaire EST CRIMINOGÈNE. Tous
les maillons sont solidaires : chaque maillon est responsable de
TOUTE la CHAÎNE. Ne pas avoir d'intention criminelle n'est pas une
excuse suffisante". Exit donc la présomption d'innocence
d'Areva.
18h passées, je pars : ai-je raté d'autres coups
de théâtre ?
jugement mis en délibéré au 11 octobre.
Le10 octobre à 9h, un autre procès deviendra possible au Tribunal de Grande Instance. ASN, EDF et AREVA sont accusés par l'Observatoire du nucléaire de faux et de mise en danger.
Le lobby dont l’État Français est partie prenante, s'est doté d'une instance, l'ASN, garante du bon fonctionnement de la chaîne. Or cette « justice » interne a déjà fait la preuve de sa complicité. La concentration anormale de carbone dans l'acier était connue depuis longtemps et couverte par de faux certificats mais l'ASN ne l'a reconnue que récemment. Contre toute prudence, c'est pourtant son avis qui permettrait la mise en service de la cuve de l'EPR reconnue défectueuse.
Les antinucléaires et en particulier le collectif ADN ( Arrêt du nucléaire) en appellent à une plus haute justice.
Le 21 septembre 2017 par Françoise/Francesca Chanial
Commentaires
Félicitation à Françoise pour ce compte rendu fouillé et illustré. Le fait est qu'il y avait quelque chose d'assez vertigineux à témoigner dans ce VRAI procès où tout de même deux militants risquent des peines pour simplement être des lanceurs d'alerte.