Victoire pour les sous-traitants du nucléaire : la « faute inexcusable » d’un employeur enfin reconnue
Par Rédaction le samedi 16 avril 2016, 11:42 - National - Lien permanent
Le 15 avril 2016, le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de
l’Essonne a reconnu la faute inexcusable de la société ENDEL dans la mort d'un salarié du nucléaire. Christian Verronneau était entré comme salarié sous-traité au service du nucléaire civil d'EDF, de ceux qui effectuent les tâches les plus dangereuses telles la décontamination, le tri des déchets, la pose de matelas de plomb sur des tuyaux très fortement radioactifs... Christian est mort à l’âge de 57 ans dans de terribles souffrances. C’est la première fois en France que la faute inexcusable d’un
employeur de la sous-traitance du nucléaire est reconnue par la justice. Oui le nucléaire tue au quotidien, ici, en France aussi.
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Le 15 avril 2016, le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de l’Essonne a reconnu la faute inexcusable de la société ENDEL ayant entraîné le
décès de Mr Christian Verronneau survenu le 19 septembre 2012 des suites d’une maladie professionnelle - un cancer broncho-pulmonaire - reconnue le 15 janvier 2010 en référence au tableau n°6 du code de la Sécurité sociale.
« Il serait heureux de cette décision de justice, confie Eugénie Verronneau, sa veuve. Car il se battait aussi pour toutes les autres victimes, qu'elles soient reconnues et surtout que cela n'arrive plus".
Le TASS a estimé que la société Endel n'a produit aucun élément objectif permettant de justifier l'existence d'un « suivi rigoureux » et d'une « surveillance spéciale renforcée ». « La société Endel avait conscience du risque auquel était exposé son salarié, mais n'a pas pris les mesures appropriées pour l'en préserver », conclut le tribunal.
Christian, symbole de la barbarie atomiste en temps de paix
Christian Verronneau est entré au service du nucléaire civil EDF le 19 août 1981 pour l’entreprise de sous-traitance et de servitude ENDEL du groupe ENGIE (ex GDF-Suez). En quelque sorte, il fût loué à EDF par le biais d’une entreprise de sous-traitance qui met à disposition du nucléaire des travailleurs qui se qualifient eux-mêmes de «viande à rems». Le "rem" a précédé le "sievert" comme mesure de l’irradiation subie du fait de la radioactivité présente dans les centrales nucléaires.
Directement affecté aux tâches les plus dangereuses – décontamination, tri des déchets, pose de matelas de plomb sur des tuyaux très fortement radioactifs - Christian a accompli pendant 30 ans ce travail sous rayonnements ionisants. Il a décontaminé notamment les piscines de nombreuses centrales nucléaires. Ce travail que l’exploitant EDF sous-traite, se dégageant ainsi de sa responsabilité dans la gestion du danger radioactif et de ses conséquences.
Ce travail – certes ! - apporta un emploi à Christian. Mais cet emploi lui amènera la mort, dans de terribles souffrances. Il décède à l’âge de 57 ans. Son emploi ne lui a pas permis de vivre suffisamment longtemps pour profiter d’une retraite qu’il aurait pourtant bien méritée.
Mourir au nom de l'emploi ?
Qu’est-ce qui constitue une première en France ? : la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur d’un travailleur «extérieur» de l’industrie nucléaire ou le fait de voir enfin brisée l’invisibilité des décès pour maladie professionnelle de salariés de la sous-traitance du nucléaire, invisibilité organisée par les exploitants, l’Etat, les employeurs et, malheureusement aussi, des syndicats défendant l’emploi ?
C’est en effet la première fois en France que la faute inexcusable d’un employeur de la sous-traitance du nucléaire est reconnue par la justice.
Malheureusement, les invisibles du nucléaire - les salariés de la sous-traitance exposés à plus de 90 % de la dose radioactive, sacrifiés pour faire croire à l’inocuité du risque radioactif dans le nucléaire - souffrent et meurent au nom de l’emploi. Il n’y a pas de dose de radioactivité si petite soit-elle qui ne rendent malades ceux qu’elle atteint. Ainsi, le sacrifice de certains salariés - au nom de l’emploi - devient «acceptable», comme le sont les «normes de radioprotection», érigées pour protéger non pas les travailleurs et autres personnes exposées, mais la radioactivité elle-même et les responsables de cette mise en danger.
Aucun salarié ne doit mourir, être malade à cause de son emploi. Aucun syndicat ne peut défendre un emploi qui rend malade et tue.
« Nous espérons que cette première victoire va aider les collègues à parler, poursuit Philippe Billard. Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de gens malades". Les salariés sous-traitants aimeraient se voir appliquer un contrôle médical adapté, à vie. « Il faut arrêter de sacrifier des salariés au nom de l’emploi, insiste Philippe Billard. La radioactivité, c’est en fait un danger de mort différé pour les salariés. Ce n’est pas tolérable. Nous pensons que cette industrie devrait être arrêtée, elle est trop dangereuse, elle fait partir les gens trop tôt. Et ce n’est pas un anti-nucléaire qui l’affirme, mais un syndicaliste soucieux de la santé des salariés. »
Propagande et réalité
Tous les dimanches sur TF1 une publicité ENGIE, «là où je t’emmènerai», donne à voir de somptueux paysages. Ceux du nucléaire ne sont pas ceux-là, ceux du nucléaire sont mortuaires, glauques, sombres... Engie a emmené Christian dans des paysages mortuaires, EDF et tout le lobby du nucléaire emmènent les salariés de la sous-traitance dans ces paysages de souffrances et de mort.
Mais la justice est là pour faire respecter les droits des salariés et nous continuerons ce combat pour que justice soit rendue à tous les travailleurs extérieurs de l’industrie nucléaire, victimes du travail sous rayonnements.
« Ce jugement a une importance phénoménale, lâche Philippe Billard, président de l'association Santé sous-traitance et à la CGT. Il y a deux ans, la justice avait reconnu la faute d'EDF pour un de ses salariés travaillant en centrale. Avec la décision d'Evry, c'est la première fois que cela concerne un employé d'une société sous-traitante. Ce jugement pourrait mettre un terme au sacrifice humain. On ne peut plus accepter le risque couru par les personnes travaillant directement ou indirectement dans le nucléaire. »//
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Nucléaire: Les ouvriers sacrifiés Part 2 par Squapad
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Nucléaire: Les ouvriers sacrifiés Part 1 par Squapad //
Contact : Philippe Billard (syndiqué du nucléaire) et Annie Thébaud-Mony (CNRS)
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source : communiqué "associations santé/sous-traitance et Henri Pézerat", 23 avril 2016
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