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Ils sont petits mais extrêmement nocifs. Les parasurtenseurs, autrement nommés « parafoudres » pour protéger les installations de la foudre sont... radioactifs ! Ils ont pourtant été installés à grande échelle ( plusieurs millions) depuis des décennies sur les centraux téléphoniques de France, le réseau de lignes téléphoniques, dans les boîtes de raccordement sur les lignes, en haut des poteaux, mais aussi à l'arrivée, chez les particuliers.  

2017-04-19_Lignard_tete-de-ligne_France-Telecom.jpgEn grimpant sur les poteaux, mais aussi dans les centraux téléphoniques, les employés ont été exposés à la radioactivité pendant des années. Avec le risque de développer, sans le savoir, un cancer (revue « Santé et travail »). Les « lignards », ceux qui grimpent aux poteaux téléphoniques, ont manipulé sans précaution particulière ces petits appareils. « Les agents sont nombreux à avoir manipulés les anciens modèles radioactifs. Ils en stockaient dans leur voiture, en cas d'intervention, les glissaient dans la poche de poitrine de leur chemise ou même entre leurs lèvres, pour garder les mains libres. Les modèles en verre se changeaient à la pince et parfois cassaient, à cause de la corrosion » (l'Express).  Depuis plusieurs années, on constate des excès de cancer parmi le personnel.

Se présentant sous forme de petites ampoules en verre de 1 à 5 cm de long ils contiennent du radium 226, du tritium, ou encore du thorium 232 et mettent en danger la santé et la vie des salariés et sous-traitants de Orange/France-Telecom. A ce jour, plusieurs milliers de paratonnerres radioactifs seraient toujours en place voir en service en France et ne sont parfois découverts et démontés qu'à l'occasion d'opérations d'entretien ou de démolition de bâtiments.

Interdit depuis.. 1978 mais toujours présents

Le modèle en verre contenant du radium 226 a été interdit en 1978 à cause de sa toxicité, et remplacé par un autre contenant …. du tritium, également radioactif. Ces dispositifs ont été utilisés massivement entre les années 1940 et 1970. Ils sont peu à peu retirés et remplacé par d'autres matériels par les agents de l'entreprise de téléphonie et les salariés sous-traités qui se trouvent ainsi exposés à une contamination radioactive par inhalation notamment de radon et de tritium. Tout comme les personnels en charge de leur transport et manipulation de stockage.

2017-04-19_parasurtenseur_radioactif.jpgAinsi 400 000 exemplaires de ces parafoudres radioactifs sont provisoirement stockés en Auvergne, (en attendant une solution d’élimination... à inventer). Problème complémentaire : il sont regroupés dans des fûts en plastiques dont certains qui fuient et polluent en plus l'air des locaux d'entreposage.

D'importants et dangereux niveaux de radioactivité y ont été mesurés : 2 millions de becquerels par litre (Bq/L) pour le tritium, alors que le seuil d’alerte se situe à 100 Bq/L, tandis que les niveaux de radon dépassent de plus de 300 fois le seuil d’alerte. De quoi en une à deux heure de contact  dépasser la limite de la dose légale d'une année (il n'existe pas en fait de dose inoffensive  radioactive quelque soit son niveau)

Le lanceur d’alerte et syndiqué CGT Frank Refouvelet dénonce : « On avait un sérieux doute sur l’étanchéité des bidons, même si la direction a prétendu le contraire pendant des années et que les services de prévention et de santé au travail ont toujours fait comme si c’était anodin. Alors que nous, sur le terrain, on voit les collègues mourir. » Pour les médecins du travail, pendant des décennies, ces maladies sont dues à  … la fatalité.

C’est à cause de ces morts que les salariés ont commencé à se mobiliser voici déjà dix ans. Et il y avait de quoi : parmi les agents de France Télécom de Riom-ès-Montagnes, dans le nord du Cantal (Auvergne) sur 22 agents dont des Postiers logés dans le même bâtiment : 10 sont atteint d’un cancer ! «  Un nombre anormalement élevé » relevait dans son acte d'accusation et d'interpellation de FT (aujourd'hui « Orange ») et de LaPoste le délégué du personnel Guy Berthod en 2006. 

Devant l’apparition de nouveaux cas de cancers sur le site, les représentants du personnel du CHSCT demandent la tenue d’une réunion extraordinaire. Elle leur est refusée par le Directeur d’unité de l’époque sous prétexte qu’il n’y a rien de nouveau dans le dossier !

Le négationnisme des directions d'entreprises

Contre une direction d'entreprise s'installant dans le déni et l'a-priori négationniste du lien entre les cancers et le travail, après l’intervention de l’inspection du travail du Puy-de-Dôme, les syndiqués s'adjoignent en 2008 l’aide du professeur Henri Pézérat, le scientifique qui a révélé le scandale de l’amiante en France. Par quatre fois la direction de l’UI Auvergne tentera  d’interdire la visite du site !

Pourtant déjà en 1998, à Lyon cette fois, une enquête médicale portant sur une « épidémie » de cancers du sein dans un service d’accueil, révèle que ces femmes ont travaillé dans des centraux téléphoniques où elles manipulaient des parasurtenseurs qu’elles mettaient dans leur poche de poitrine. Le médecin spécialisé en prévention préconisera, en vain, de poursuivre les investigations et de retirer le matériel soupçonné d’être à l’origine de l’éventuelle contamination au radium 226.

2017-04-19_France-Telecom_FibreAerienne-sur_poteau.pngLe 6 octobre 2008 dans un communiqué de presse conjoint (1) le syndicat CGT FAPT, le toxicologue Henri Pézerat et des médecins de prévention révèle la présence de micro sources radioactives sur l'ensemble du réseau de France Télécom Orange. Comme pour le nuage radioactif de Tchernobyl les médias minimiseront l'alerte. Mais quelques jours plus tard (18 novembre 2008 ) 12000 parafoudres au Radium 226 sont découverts dans trois cartons à Moulins (Alllier). La direction de France Telecom est alors contrainte d'admettre l'actuelle présence de parafoudres radioactifs qu'elle s'évertuait à faire penser qu'on ne les retrouvait plus que dans des musées!

1 million de parafoudres !

Un an plus tard, en mars 2009 une expertise indépendante conduite par le cabinet d’expertise SECAFI et le GISCOP 93, établit un lien entre les cancers et les maladies professionnelles. La reconstitution des parcours professionnels met en évidence des expositions à de nombreux cancérogènes : amiante, arsenic, acides, trichloréthylène [2]. Ils viennent s’ajouter aux irradiations émises par les parafoudres [3].

Pourtant six mois après l'analyse mettant en évidence la présence de la radioactivité [4], de nombreux salariés ne connaissent toujours pas le danger lié aux parafoudres et ils continuent de manipuler sans protection adaptée ces matériels de mort. « Les risques ont toujours été sous-estimés et cela continue. Ils parlent d’un million de parafoudres à retirer alors ce n’est pas terminé ! » s’insurge un délégué syndical.

Le 24 mars 2010 France Télécom est pourtant obligé de diligenter une enquête qui confirmera le haut niveau de rayonnement de certains parafoudres contenant du Radium 226. Mais à la demande de FT une étude conduite [5] par le très pro-nucléaire Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) héritier de l'organisme du Pr Pellerin (le nuage radioactif de Tchernobyl qui s'est arrêté à la frontière) va occulter les éléments constatés en Auvergne afin de tronquer le constat et permettre à France Télécom de minimiser le risque encouru par le personnel puis de minimiser les informations délivrés au personnel ainsi qu'aux médecins et à la presse.

France-Telecom_management-terreur.jpgUn bras de fer continu avec la Direction va alors se développer et se poursuit à ce jour. Les syndicalistes réussissent à faire stopper les travaux de retraits des parafoudres et leur stockage en Auvergne tandis que les sites d’entreposage sont confinés. Fin 2011, une association d’entraide aux victimes de cancer [6] voit le jour à Béziers pour faire reconnaitre ceux-ci comme maladie professionnelle en s’appuyant sur les conclusions de les expertises menées en 2010/2011 et les travaux menés par les CHSCT Languedoc-Roussillon et Auvergne sur les expositions professionnelles.

En juillet 2012 : 1644 « boîtes de protection » ont été recensées rien qu'en Haute-Loire, l’IRSN a quant à lui trié 29147 parafoudres radioactifs contenant des radioéléments mortels tels que Radium 226, Prométhéum 147,  Tritium ou Thorium. En mars 2013 le catalogue des parafoudres initié par les représentants du personnel s’enrichit régulièrement par de nouveaux parafoudres inconnus de France Télécom et découverts par le personnel de terrain et les représentants du personnel du CHSCT.

L'ASN avance au pas lent du chamelier

Dans le prolongement, la CGT a interpellé l’Autorité de sureté nucléaire (ASN) qui a théoriquement en charge le suivit des opérations de retrait : le stockage des parafoudres doit être suspendu partout en France.  D'autant qu'en application du Code de la santé publique, l’addition intentionnelle de radionucléides dans les biens de consommation ou de construction est interdite depuis 2002 (avant cette date, des biens de consommation intégrant des sources radioactives ont été autorisés par la réglementation, tels des paratonnerres, les parasurtenseurs de lignes téléphoniques ou des détecteurs ioniques de fumée).

2017-04-19_Parafoudre_PF_France-Telecom_poteau2.jpgMais, à ce jour, en dehors de l’Auvergne, où les salariés se sont battus pour conserver le contrôle de cette activité à haut risque, la Direction a fait appel à des sous-traités pour poursuivre le retrait et le stockage des parafoudres radioactifs. Pourtant selon l'ASN elle-même : « Les opérations de dépose doivent être réalisées par des sociétés spécialisées, avant que ces objets soient orientés vers des filières d’évacuation spécialisées mises en place par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA). »

Mais, là aussi, il y a loin de la coupe aux lèvres [7] : un contrôle par l’inspection du travail de la Compagnie Internationale d'Électricité (division paratonnerres Pouyet) chargée de la dépose d’anciens paratonnerres présents sur les chantiers et d’installer de nouveaux dispositifs de protection contre la foudre, a mis au jour un entrepôt « clandestin » d'environ 200 têtes radioactives de paratonnerre contenant de l’américium 241 ou de radium 226. L’ASN n'a pu que dresser un procès-verbal pour non-respect de la réglementation et de la plupart des exigences réglementaires définies par le code de la santé publique et le code du travail et, accessoirement, l'absence … d’autorisation de l’activité !

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[1] communiqué de presse : http://www.asso-henri-pezerat.org/wp-content/uploads/2013/04/communiqu%C3%A9-sur-parafoudres.pdf
[2] Un historique : http://www.asso-henri-pezerat.org/parafoudres/
[3] Le GISCOP 93 met en évidence que certains agents de France Télécom ont été exposés jusqu’à sept cancérogènes différents, et comme constante l’exposition aux rayonnements ionisants de tout les agents étudiés.
[4] http://www.asso-henri-pezerat.org/wp-content/uploads/2013/04/Rapport-CRIIRAD-10-08-Parasurtenseurs-France-Telecom.pdf
[5] étude de l’IRSN : http://www.asso-henri-pezerat.org/wp-content/uploads/2013/04/Rapport-IRSN-%C3%A9valuation-des-risques.pdf et critique de l’étude de l’IRSN par le GISCOP 93 : http://www.asso-henri-pezerat.org/wp-content/uploads/2013/04/Critique-par-le-GISCOP-93-de-l%C3%A9tude-d%C3%A9valuation-des-risques-r%C3%A9alis%C3%A9e-par-lIRSN-001.pdf
[6] EDATET
[7] https://www.asn.fr/Informer/Actualites/Controle-de-la-reprise-d-objets-radioactifs-anciens