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Une fois encore, après Areva, une société nucléaire - DCNS - détenue à 64 % par l’État français et 35 % par Thales (ex Thomson-Csf , actionnaires Alcatel et Dassault), est en mauvaise posture financière, commerciale et technologique.

Injonction libérale de l'Organisation Mondiale du Commerce visant à privatiser tous les domaines d'activité humaine et économique, l’ancienne Direction des Constructions et Armes Navales (DCAN) et les arsenaux publics français rebaptisés direction des constructions navales (DCN) en 1991 dépendant du ministère de la défense se devait d'ouvrir son capital au privé. Elle est donc devenue une société anonyme en 2005 : la DCNS.

2015_CANSE_armement_nucleaire_sous-marin_missile_DCNS_m51_snle.jpgIl était question alors, selon l'idéologie apostolique du saint profit, de démontrer que la gestion selon les critères du « privé » était supérieure au « public » et mieux à même de gérer l'entreprise, pour le plus grand bien du petit peuple, du pays et de la sainte croissance présumée génératrice d'emplois. Surtout d'actionnaires privés qui pourraient ainsi sécuriser – grâce à la présence et la couverture de l’État dans le capital - leurs profits personnels.

Les audits menés en interne à partir de juillet 2014 révèlent le pot aux roses.

Ah ! les « grands chantiers » tant vantés par les gouvernements successifs de droite comme socialistes. Ah ! Les grands emprunts publics qui, on vous le jure, vont propulser le savoir-faire tricolore au firmament de l'avenir et créer des milliers d'emplois. En fait ils augmentent surtout la dette du pays que chaque contribuable devra, avec ses enfants et petits-enfants, rembourser fissa ; Et surtout ils détruisent l'environnement, la vie, la dimension sociale, l'équilibre économique et relance de vieilles lunes et folies tel le projet Astrid. Autant dire que les « grands chantiers » sont avant tout des grands projets imposés et inutiles.

DCNS en est un nouvel exemple pour lequel la Direction passe aux aveux : « Les audits ont révélé que des grands programmes avaient dérivé. Cela concerne principalement une diversification dans le nucléaire avec la participation au projet de réacteur expérimental Jules Horowitz du Commissariat à l’énergie atomique à Cadarache (Bouches-du-Rhône) mais aussi des programmes au cœur du groupe, comme les sous-marins nucléaires d’attaque de nouvelle génération Barracuda. Il a fallu alors constituer d’importantes provisions (dont le montant n’a pas été communiqué) qui ont plombé les résultats. » (5)

Quelques années après, le constat inverse de la propagande gouvernementale explose au visage des croyants libéraux, de l’État aux ordres et des actionnaires : le groupe d'armement naval et nucléaire « tricolore » DCNS accuse une perte de 336 millions d'euros pour 2014. Les audits menés en interne à partir de juillet 2014 révèlent le pot aux roses.

Comble de l'ironie : c'est le nouveau Pdg, Hervé Guillou, passé par Areva qui en fait l'annonce ! Et pas de bon cœur tant ses attaches au nucléaire et à la destruction atomique sont fortes.

Un Pdg très très nucléaire et très très militaire, voulu par François Hollande

2015_CANSE_armement_nucleaire_sous-marin_missile_DCNS_F-Hollande_snle.jpgLe nouveau Pdg, nommé il y a huit mois par le Président François Hollande, est un pro forgé à la mythologie nucléariste et militariste. Son parcours est le prototype des passerelles permanentes entre les entreprises liées au nucléaire, au militaire et aux cabinets décisionnels de l’État.

Ancien de l’École polytechnique (1973), le nouveau Pdg de DCNS intègre en 1976 l'École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA Bretagne) sous tutelle de la Direction Générale de l'Armement (DGA) du ministère de la Défense. A partir de 1978, il est ingénieur spécialiste « sécurité plongée » sur sous-marins nucléaires puis, en 1980, ingénieur du Génie Atomique à l'Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN). Il devient même le responsable du projet de propulsion nucléaire des sous-marins nucléaire lanceur d'engins (SNLE). Des engins nucléaires comme des missiles de morts tels le M51 perfectionné en contravention avec les accords internationaux signés par la France.

Quelques années plus tard, en 1989, il rejoint pour 4 ans la Direction Générale de l'Armement (DGA) au cabinet du délégué général pour l'armement. De 1993 à 1996 il est propulsé directeur du « Joint Project Office Horizon » un programme de frégate anti-aérienne. Il se voit détaché auprès du Ministère de la Défense... britannique (MoD) à Londres. Cocorico !

De 1996 à 2003, il occupe au centre nucléaire de Saclay les fonctions de directeur général de Technicatome/Areva T.A (filiale Business Unit d'AREVA) spécialisée dans les réacteurs nucléaires de propulsion navale et les installations nucléaires de recherche (2) dont l'actionnariat initial était détenu à 90 % par le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) et à 10 % par EDF . L'actuel Pdg de DCNS passe ensuite en 2003 d'Areva à EADS (4) jusqu'en 2005.

A partir de fin 2005 et jusque il y a quatre ans, il prend le PDG-taria de « Defence and Communications Systems » du business d’EADS en matière de défense et sécurité puis, pour un an, le PDG-taria de « Cassidian Cybersecurity » spécialisée dans la sécurité informatique et les menaces du cyber-espace.

Parallèlement à ces différentes fonctions, l'actuel Pdg de DCNS est aussi administrateur de La Société Financière du Planier, la holding du Groupe SNEF, une société anonyme qui opère notamment pour la Marine Nationale et la construction de sous-marins nucléaires. Mais il est aussi Président du « Conseil des industries de confiance et de sécurité » placé sous l'autorité... du 1er Ministre .

Les mêmes maux, les mêmes tentatives désespérées de sauver l'in-sauvable

2015_CANSE_armement_nucleaire_sous-marin_missile_DCNS_M51_snle.jpegAreva tangue, bat de l'aile voire coule à pic avec ses près de 5 milliards de perte. Solution de l’État et de la Direction : réduire les effectifs salariés et faire prendre en charge le déficit soit par un autre opérateur du secteur (EDF ou CEA ou autres) soit créer de toute pièce une société-écran pour y placer les « branches pourries » afin de faire remonter le niveau de l'action en bourse et l'intérêt des spéculateurs (les fameux « ennemis » du président socialiste) pour le secteur nucléaire.

Seul hic : l'actionnaire majoritaire d'Areva est justement le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) qui perd donc déjà un sacré pactole avec la chute de l'action Areva et s'inquiète aussi de « qui va donc payer le déficit ? ». Côté EDF, autre actionnaire minoritaire d'Areva on est pas non plus au mieux de la forme avec des centrales nucléaires à bout de souffle qu'on veut prolonger coûte que coûte. Y compris en accentuant les risques fatidiques de catastrophes ou en effectuant des investissements financiers énormes mais de toute façon en augmentant le prix du kilowatt/heure que les usagers/clients/contribuables devront payer. Peut-être que la branche industrielle d'Areva pourrait séduire mais il faut quand même de l'oseille.

Alors, de nouveaux emprunts bancaires ? Ou/et un jeu d'écriture et de recomposition de la structure du capital financier  en faisant appel aux « marchés » quitte à brader une partie du patrimoine de l’État dans EDF comme le souhaitait l’ex-banquier de chez Rothschild et actuel ministre de l'économie Emmanuel Macron ? (7) Oui mais l'action en bourse de EDF n'est pas non plus au mieux depuis quelques années... (85,50 € en novembre 2007 pour 22,54€ en mars 2015) et son endettement flirte dangereusement à hauteur de 91,33% de ses fonds propres.

2015_CANSE_armement_nucleaire_sous-marin_missile_DCNS_arsenal-Lorient.jpgPour la DCNS c'est le même scénario qui est décidé dans ses grandes lignes : outre une nouvelle organisation, un plan d’économie de 100 millions d’euros est mis en place pour appeler le retour à la « profitabilité » en 2015. On va donc resserrer les boulons côté emplois y compris par de la sous-traitance en Pologne ou en République tchèque, là où la main d’œuvre est plus corvéable et a moins de protection sociale. Et aussi par le gel des augmentations générales de salaires. Le dogme est tenace. D'autant qu'on en veut aussi beaucoup au Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) avec lequel on s'est impliqué dans son nouveau réacteur nucléaire (6) et que, finalement, pas grand monde ne maîtrise (tiens tiens on dirait un scénario-bis du fiasco de l'EPR tant en Finlande – piloté par Areva- qu'en France à Flamanville piloté par EDF).

2015_CANSE_armement_nucleaire_sous-marin_missile_DCNS_manif_M51_Ile-longue.jpgThales, actionnaire de DCNS s'inquiète à son tour de la situation du groupe d’armement naval nucléaire (9) qui lui impose 100 millions d'euros de moins value. D'autant plus désagréable que Thales est aussi directement en concurrence avec DCNS sur des marchés à l'export de matériels militaires. Les interdépendances et prises de participations croisées capitalistiques visent la plupart du temps à faire gonfler les cours en bourses plutôt que le développement industriel ou technologique à long terme et maîtrisé répondant à des besoins réels de la population et du pays. La chute de l'un est donc de nature à entraîner la chute de l'autre. Un effet domino qui s'apparente bien à l'éclatement d'une bulle spéculative déconnectée du réel. Notamment, au delà des discours et de la propagande, dans le domaine nucléaire en perte de vitesse.

2015_CANSE_armement_nucleaire_sous-marin_missile_DCNS_Open_Hydrolienne.jpgN'est-ce pas l'occasion de réorienter fondamentalement DCNS vers les technologies énergétiques alternatives telles les hydroliennes et l'ensemble des énergies marines et aquatiques, l'éolien maritime, l'énergie thermique des mers et océans? Comme dirait le Medef et les gouvernements de tous bords à l'attention des salariés privés d'emplois : "il faut savoir rebondir"!... et dénucléariser unilatéralement notre pays.
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(1) Hervé Guillou, ancien patron des activités de cyberdéfense d’Airbus Group, a été nommé Pdg de DCNS par décret du Président de la République en remplacement de Patrick Boissier (sur proposition d'un comité des nominations composé de trois représentants des actionnaires de l'État et Thales et d'un administrateur indépendant.
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Areva_TA
(3) http://www.snef.fr/page_groupe_gouvernance_ca.php?lang=fr&subsubtitle=4
(4) Créé en 2000 sur les « cendres » du consortium Airbus qui regroupait l'entreprise nationalisée Aérospatiale avec les allemands Messerschmitt-Bölkow-Blohm et VFW-Fokker, European Aeronautic Defence and Space company (EADS) concrétise la concentration capitaliste de la quasi-totalité des constructeurs aéronautiques et militaires de la France, de l'Allemagne et de l’Espagne avec les groupes privés Lagardère SCA et Daimler AG. Là, Hervé Guillou est promu PDG de la filiale « EADS Spatial Transportation » (ex-EADS Launch Vehicles) spécialisée notamment dans les missiles de la Force française de dissuasion nucléaire.
(5) Le Monde   (24/2/2015)
(6) http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9acteur_Jules_Horowitz
(7) http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/10/16/l-etat-etudie-la-vente-d-actions-edf_4506923_3234.html
(8) http://bourse.lesechos.fr/bourse/details/graphique_histo.jsp?code=fr0010242511&place=XPAR&codif=ISIN
(9) https://www.thalesgroup.com/fr/worldwide/press-release/thales-impact-de-la-situation-financiere-de-dcns