Marche antinucléaire pour la Vie et l’arrêt immédiat du nucléaire . Jour 1 : Commémoration de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (26 avril 1986) et rencontres avec les salarié-es du nucléaire à Cadarache
Par admin le vendredi 25 avril 2014, 19:38 - Vaucluse - Lien permanent
Cette première journée de marche citoyenne contre le nucléaire, à
travers la Provence, marque de son empreinte déterminée l’engagement des
marcheurs et marcheuses. Jour sombre si il en est puisque dans quelques
heures sera commémorée devant le centre nucléaire militaro-civil de
Cadarache (Bouches du Rhône) la catastrophe nucléaire de Tchernobyl
d’avril 86 et ainsi exprimé le refus que le crime atomiste se poursuive
encore dans notre pays.
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Le décors : la Provence et la vallée Rhône-Durance sont, avec une quarantaine d’installations nucléaires - toutes implantées sur… des zones sismiques- la région la plus nucléarisée de France et d’Europe*. Il y a une dizaine de jours, la terre a de nouveau tremblé non-loin des sites nucléaires.
Initiée par le CAN84 (Collectif antinucléaire de Vaucluse) la marche va se dérouler du 25 avril au 5 mai 2014 au coeur du « triangle de la mort » des sites nucléaires civils et militaires de Cadarache, de Marcoule, de Cruas et du Tricastin. Les antinucléaires vont relier ces sites mortifères et parcourir les routes des Alpes de Haute-Provence, des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l’Ardèche, de la Drôme et du Vaucluse.
Devant la gare de Manosque, ils sont plusieurs poignées pour le départ de la première étape d’une marche de 11 jours qui va les conduire de villages en villes sur près de 300 kilomètres à la rencontre de la population, des salarié-e-s du nucléaire et des élus locaux. Un groupe qui gonflera progressivement au rythme des implications quotidiennes comme cela c’est produit les années passées. Pour plusieurs jours, une matinée ou une après-midi ils avaient été près de 200 à rallier la « marche » en 2013.
Si en 2012, lorsque des citoyens et citoyennes se sont lancés dans la « marche antinucléaire pour la vie », les cigales chantaient et le soleil tapait fort (nous étions au mois d’août), en 2013, avril dissipa rapidement sa fraîcheur matinale pour offrir aux marcheurs un agréable soleil et un petit vent frais. Cette année, la crainte d’ondées, s’avère erronée, malgré les dires de la « météo » et le moral s’annonce au beau fixe à l’image du temps.
Dans cette troupe hétéroclite de jeunes et de moins jeunes, femmes et hommes unis et solidaires, les accents provençaux et chantants se conjuguent à ceux, plus rocailleux, de la Dordogne et du Lot, plus langoureux et complices d’Italie, plus secs et sincères du Pas-de-Calais et de Besançon et de bien d’autres départements français.
Sur les banderoles déployées et les drapeaux claquant sous la brise s’affiche clairement l’objectif : arrêter sans attendre la main criminelle des tenants de la destruction atomique, sauvegarder la santé du vivant et des territoires. « Le nucléaire on n’en veut pas, le nucléaire on n’en veut plus ».
Premier objectif de terrain : atteindre le Centre d’Expérimentation Nucléaire du CEA à Cadarache dans les Bouches-du-Rhône - après être passé par Vinon dans le Var - afin de rappeler aux salariés du nucléaire la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (26 avril 1986). L’an dernier la commémoration de la catastrophe s’était déroulée devant le site du Tricastin (Vaucluse-Drôme), là où les 4 réacteurs nucléaires de plus de 30 ans d’âge, les installations vétustes et détériorées ou plus récentes n’en finissent pas de cumuler semaine après semaine les incidents et défaillances, les fuites et décontaminer l’air et l’eau, la chaîne alimentaire. Basta !
25 avril 2014 - 8h30 – Le départ est donné. Chacun vérifie plus ou moins bien son sac à dos ou alors a préféré le déposer dans le véhicule d’assistance, certains resserrent les lacets des chaussures de marche, d’autres prennent en main une pancarte ou un drapeau. Les sourires illuminent les visages. Sourires et détermination, pas de ceux mollassons de « bisounours » qui voudraient voir dans la situation de soumission du pays au nucléaire une simple étape d’une évolution technique à dépasser.
La gare s’éloigne et disparaît à la vue des marcheurs qui vont emprunter la route de la Libération jusqu’au pont enjambant la Durance marquant la frontière entre le département des Alpes de Haute-Provence et du Var. L’ambiance est détendue et déterminée alors que percent les rayons crus du soleil. Les premiers kilomètres sont avalés avec entrain. Toujours pas de gendarmerie en vue même si au départ un agent des RG (DCRI ex-Renseignements Généraux) était à pied d’œuvre.
12h15 – Au rythme du tambour, déjà 15 kilomètres d’avalés. Chacun a fait connaissance, des complicité se sont nouées, des prémices d’amitié aussi. Le village de Vinon-sur-Verdon se profile puis offre sa place aux platanes pour la pause du déjeuner. Le rythme des marcheurs a été soutenu et il est temps de reprendre quelques forces.
Ce premier jour marque l’étape la plus longue de la marche alors il ne faut pas négliger son organisme. Repas et aussi rencontre avec les habitants du village pour discuter et discuter encore, argumenter et illustrer la nocivité du nucléaire et son indispensable arrêt immédiat. Sujet sensible ici car Cadarache n’est pas très loin, à peine une dizaine de kilomètres. Comme les autres sites nucléaires de Provence le Centre d’Etude Nucléaire est implanté sur… une faille sismique. Et il y a quelques semaines à peine la terre a tremblé de nouveau, pas loin d’ici.
Le maire du village a reçu une demande d’audience il y a quelques semaines mais la lettre du CAN84 est demeurée sans réponse. Alors quelques antinucléaires se rendent à la mairie. Portes closes mais… la 1ère-adjointe au maire est là et accepte avec bienveillance de rencontrer les antinucléaires.
Le maire, lui, se trouve en réunion consacrée aux risques naturels et technologiques. Tiens, tiens. On comprendra rapidement pourquoi. Vinon-sur-Verdon est confronté à un cumul de risques incroyables et le sujet est plus que sensible au niveau local : risque nucléaire avec Cadarache et le délirant « Iter », amplifié par le risque d’inondation lié au canal et à la rivière Verdon et démultiplié par le risque sismique sur toute la zone. Le discours de l’élu est clair : il faut arrêter le nucléaire, on est assez exposé avec les risques naturels sans en rajouter… La conscience progresse.
13h30 – La halte terminée, les marcheurs et marcheuses de la vie reprennent la route. Cadarache doit être atteint à l’heure de « débauche » des équipes. La prudence est de rigueur car la route est étroite et sinueuse. Plusieurs kilomètres sont parcourus au terme desquels apparaît le chantier pharaonique et démentiel. ITER est en vue. Un chantier de destruction de l'environnement, de la forêt et du biotope. Uniquement pour engloutir des milliards d'euros et tenter de reproduire ce qui se passe au niveau du soleil pendant une fraction de seconde.
Autrement dit tenter de singer ce que la nature nous offre déjà : le soleil d’un côté, la technocratie de destruction atomique de l’autre. Les déments du nucléaire à tout prix, avides de plus de folies encore, ont décidé d’en rajouter avec le projet chronophage d’une expérimentation à plusieurs centaines de millions d’euros la demi-seconde : ITER. L’égo scientiste et financier est en jouissance, les politiciens se frottent les mains. La machine à cash fonctionne à plein, les peuples paieront l’addition.
15h45 – Le premier des 4 rassemblements antinucléaires programmés tout au long de la « Marche » se profile devant le Centre de l’Energie Nucléaire de Cadarache (Bouches-du-Rhône), haut lieu de la recherche et des expérimentations atomiques civiles et militaires. Ici sont conçus et mis au point ce dont l’armée nucléarisée réclame. Ici on travaille pour les sous-marins nucléaires. Ici ça bricole l’atome depuis plusieurs décennies, ça le triture, ça le déstructure comme un enfant joue dans son carré de sable. Familles endeuillées et morts en plus. C’est que les radiations s’entrecroisent à tout va, diffusent de-ci de-là leur mortelles sarabandes à partir de 19 installations nucléaires de base (INB) implantées dans l’enceinte du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique). Très peu ont été conçues aux normes anti-sismiques d’ailleurs. Illustration de la mégalomanie de quelques fanatiques qui font fi de la nature et du vivant. Se jouent allègrement de la vie. Surtout celle des autres.
Devant le lieu du forfait mortifère, les militants antinucléaires déploient une immense banderole. Sur plus de 30 mètres et en lettres immenses : « Arrêt Immédiat du Nucléaire » siglé du CAN84 ; des citoyennes antinucléaires sortent des drapeaux, des couronnes de fleurs, des hortensias -symbole de la lutte des japonais contre la destruction atomique- prennent place sur les têtes. Des pancartes s’accrochent aux poteaux routiers : « Tchernobyl », « Fukushima ». Le rond-point est rapidement occupé. Les forces de l’ordre se postent en défense du site nucléaire comme si le danger se trouvait à l’extérieur – côté citoyen – et non à l’intérieur !
Du cœur des militants antinucléaires surgissent des hommes en bleus. Des touaregs du Niger ! Des citoyens de ce pays qu’Areva exploite sans vergogne pour retirer quelques kilos d’uranium à partir de milliers de tonnes de roches détruites et de territoires dévastés et contaminés. L’uranium : l’« énergie » fossile la plus meurtrière que l’homme exploite. Là, dans ces mines, des travailleurs africains triment, suent et meurent pour la grandeur du lobby nucléaire français. Le colonialisme est aussi à l’oeuvre avec le nucléaire. Sur le panneau dressé par les « hommes bleus » : « Areva, mines d’uranium, Niger, néo-colonialisme ». Tout est dit.
16h30. Les autorités gendarmesques, toutes bottées et torse en avant, font une tentative d’intimidation. « Partez d’ici, allez plus loin, ici c’est une propriété privée » assène le gradé. Ah bon ? privé le CEA ? le rond-point et la pelouse sur laquelle les militants viennent habituellement se positionner ? Mais si c’est effectivement une propriété privée : « alors que le propriétaire vienne nous dire de quitter les lieux » rétorque un antinucléaire au militaire. Aussitôt dit aussitôt fait, surgit de derrière les rangs d’uniformes, le responsable de la sécurisation (pas celle des installations, impossibles à sécuriser, mais celle des barbelés et hommes de mains qui cernent le site) : la sainte alliance du buizeness de la mort et de l’armée. Même discours, même résistance des antinucléaires.
« Montrez-nous donc votre titre de propriété sur ce terrain ! demandez-le au cadastre si nécessaire et prouvez-nous que vous êtes propriétaire de l’extérieur du site nucléaire ». Euh, difficile… « Et vous Mr le gendarme si c’est un domaine public : expulsez-nous si vous en avez reçu l’ordre ! » Gendarmes et Direction du CEA battent en retraite. Les citoyens antinucléaires et le CAN84 demeurent et s’expriment là où ils le veulent. Comme quoi, ne pas se soumettre a ceux qui usent et abusent de leur position : c’est possible.
Les travailleurs de la destruction atomique quittent, depuis déjà près d’une heure, leur lieu de servitude. Les vitres des véhicules se baissent pour prendre le tract « travailleurs du nucléaire, soyez le fer de lance de l’avenir : arrêtez le crime ». Alors que l’on s’apprête à commémorer la catastrophe de Tchernobyl, celle de Fukushima a quelque peu fait chuter la croyance en l’avenir radieux de et par l’atome. Le prêt-à-porter idéologique du lobby est devenu une fripe élimée et les idées toutes faites et formatées par 50 années de propagande du lobby nucléaire sont ébranlées.
Difficile cependant de fissurer le mur dressé artificiellement par le lobby nucléaire entre les salariés de l’atome et la population. C’est que ceux-là doivent faire effort moral et intellectuel pour s’émanciper et sortir de la tour d’ivoire techniciste dans laquelle militaires et politiciens de tous bords les ont enfermé à coup de mythe d’un progrès sans fin et radieux, d’une mégalomanie dompteuse des forces de la nature, d’idéologie, de la certitude de tout maîtriser pour toujours, d’aides et de subventions diverses et variées.
A ce jour, si aucun syndicat, aucun élu du personnel n’a répondu favorablement à la proposition de rencontre formulée par le CAN84 voici plusieurs mois, les salarié-es apparaissent moins rigidifié-es. L’omerta et la loi du silence sur le crime quotidien perpétré par les installations nucléaires se fissure.
17h30 – Un grand calicot sur le rond-point rappelle la catastrophe nucléaire de Tchernobyl survenue dans la nuit du 25 au 26 avril 1986. Les chiens de garde de l'atome bloquent l’entrée du site nucléaire. C’est qu’un million de morts innocents à ce jour, victimes de Tchernobyl, nécessitent pour les atomistes le mur du silence et de faire peur aux citoyens.
Mais impossible de nier les morts, les malades, les handicapés, les fœtus mal-formés, les enfants pas encore en gestation et qui seront atteints eux-aussi dans leur chaire. Une précision de taille aussi : le réacteur nucléaire qui a explosé à Tchernobyl n’avait pas plus de 4 ans d’âge. Autant dire que n’importe quel réacteur en France peut subir le même sort. L’âge et la vétusté ne font que rajouter à la menace, ce n’est pas la menace. La menace c’est le nucléaire et le principe même de la destruction atomique. Assez de ces mensonges et de cette distinction entre vieux et moins vieux réacteurs nucléaires. Ils sont tous des pollueurs, des contaminateurs, des émissaires de radioactivité, des pourvoyeurs de morts.
Le rassemblement devant le site nucléaire de Cadarache s’achève au terme de 26 kilomètres de marche et de nombreuses rencontres. St-Paul-lez-Durance, village coincé entre canal EDF et rivière quasi asséchée n’est plus très loin. Ce sera le temps de déplier les tentes pour la nuit avant d’aller se restaurer autour de la cuisine collective autogérée, pilotée par Muriel et Lucie assistées par Eric. C’est le moment de la détente. De lâcher les tensions musculaires et nerveuses, c’est le temps de tirer le bilan de cette première journée. Ici le principe est l’échange direct sans préséance ni hiérarchie sans élus ni dépositaire d’une quelconque autorité. On partage les analyses, et les décisions se prennent collectivement. Maîtres-mots de cette expérience aussi humaine : responsabilité individuelle et autogestion collective. Une douce musique s’échappe d’un saxo. La nuit sera douce et réconfortante…
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(1) l’alimentation est fournie en grande partie gratuitement par des agriculteurs et des magasins bio des départements traversés, le matériel de cuisine par des associations et des structures d’émancipation humaine et des particuliers (la liste sera publiée en fin de marche). Qu’ils en soient tous remerciés.
La Presse en parle
Commentaires
Impossible d'être avec vous cette année avec regret mais je pense bien à vous. Je vois que Victor est toujours en tête, on ne change pas le peloton qui gagne... Bon courage à vous tous; bises. Wolakota
Trop hâte de vous rejoindre !!!!! pense fort à vous !!! des bizatous!!
Bonjour et bravo à toute l'équipe des valeureux marcheurs et marcheuses qui continuent l'épopée aujourd'hui. Mention spéciale à Clément qui représente brillamment une jeunesse consciente qu'elle doit prendre son destin en main. Ce fut un vrai plaisir et une grande fierté d'être parmi vous hier. Bravo aussi pour ce magnifique compte rendu détaillé et richement illustré de la journée. Je suis très admiratif que vous ayez trouvé l'énergie de le réaliser après cette longue et harassante journée ! A bientôt ! Pierre
Bonjour et bravo à toute l'équipe des valeureux marcheurs et marcheuses qui continuent l'épopée aujourd'hui. Mention spéciale à Clément qui représente brillamment une jeunesse consciente qu'elle doit prendre son destin en main. Ce fut un vrai plaisir et une grande fierté d'être parmi vous hier. Bravo aussi pour ce magnifique compte rendu détaillé et richement illustré de la journée. Je suis très admiratif que vous ayez trouvé l'énergie de le réaliser après cette longue et harassante journée ! A bientôt ! Pierre
Bonjour et bon courage:
http://www.pertuisien.fr/flash.php?... et
http://www.pertuisien.fr/flash.php?...
Très amicalement,
Gilbert SOULET
Cadre Honoraire SNCF
avec vous de tout coeur, ça avance dans les consciences! continuons!
L'an dernier avec vous à Cadarache, je reste solidaire de votre action cette année : avec la création d'un collectif, à Aix, en décembre 2013, nous avons organisé des rassemblements (hebdomadaires, puis mensuels) et la projection de Chernobyl 4 Ever, hier, au 3C.
Encore bravo pour votre détermination exemplaire ! Personne n'est propriétaire, sur Terre !
Merci du compte rendu de cette première étape magnifique de détermination. Respect pour les marcheurs! Il semblerait que les gens du coin et la maréchaussée soient moins inaccessibles?
Bravo!