Lettre ouverte à Monsieur Etienne Vernaz
Par Gilbert Tallent le vendredi 7 juin 2013, 02:40 - Impact homme et environnement - Lien permanent
Monsieur Vernaz,
Ayant assisté au débat qui vous opposait à Monsieur Pierre Péguin, ce vendredi 31 mai 2013 à Tavel, à l’initiative de l’association « Les jardins d’Epicure » sur le thème : « Nucléaire, mythes et réalités » que je remercie pour ce débat contradictoire, j’ai été atterré par le niveau de votre prestation.
Votre présentation a, malheureusement, la même odeur que toutes les interventions dans l’espace public de soi disant experts ou scientifiques, qui, du fait de leurs travaux et compétences dans leur discipline, se croient autorisés à parler de tous les sujets, avec aplomb et autorité, alors qu’ils n’en connaissent pas plus, si ce n’est moins, que n’importe quel citoyen qui fait l’effort de s’informer.
Après une théorie de contrevérités concernant dans le désordre : l’expansion du nucléaire dans le monde, le moindre coût de l’électricité nucléaire, quand vous appelez « investissements » les coûts de maintenance ou ceux du renforcement de la sécurité, « heureusement » rendu nécessaire par les « retours d’expériences des accidents majeurs », vivement le prochain (!,), vous voilà à présent tenu par le lobby de nous y préparer. Car, le prochain accident majeur risquant fort de se produire dans l’hexagone, voilà que vous y allez de votre couplet sur la radioactivité naturelle en regard des normes -largement surévaluées prétendez-vous !- des doses acceptables, affirmant qu’en deçà de 100 mSv l’innocuité est totale. Vous n’avez pas osé, actualité du Niger oblige, nous infliger l’argument de l’indépendance énergétique, ouf ! Rendons en grâce à notre nouveau Ben Laden, Mokhtar Belmokhtar !
Vous nous avez par contre asséné le lieu commun habituel sur l’augmentation de l’espérance de vie.
Mais de quelle vie s’agit-il ? Vous le reconnaissez vous même en vantant les bienfaits de la médecine nucléaire, il s’agit de la « malvie » celle des malades, des dépendants, des grabataires. Puisque vous êtes friand de sources en voici une sur le site de l’INSEE :
On y lit en effet que l’espérance de vie en bonne santé commence à décroître. Autrement dit, les français chanceux, nés avant les années 50 qui, pendant leur croissance, ont connu une alimentation dépourvue de pesticides et d’engrais de synthèse, ont échappé à la contamination des essais nucléaires militaires, et sont de plus assistés par cette médecine moderne qui traite les cancers, prolonge la vie, -même contre la volonté des malades-, ceux-là ont effectivement vu leur espérance de vie augmenter. Mais la courbe va bientôt s’inverser car, malgré cette assistance médicale, l’espérance de vie en bonne santé commence à décroître. De plusles« progrès » des techniques prénatales, forçant la naissance d’enfants qui, au siècle avant dernier seraient morts nés ou en bas âge, ont abouti à une augmentation tout à fait artificielle de l’indicateur « durée de vie ». Cet indicateur n’étant qu’un indicateur, un scientifique sérieux s’abstient d’en tirer des conclusions hâtives.
Concernant l’impact des accidents majeurs sur la santé, vous citez l’OMS comme source indiscutable. Or, sur ces sujets, l’OMS est tenue par l’AIEA, à la « confidentialité », depuis l’accord signé le 28 mai 1959 :
Texte de l’accord :
Je vous rappelle donc quelques fondamentaux à propos de l’AIEA :
Fondée en 1957 et basée à Vienne, elle cherche à promouvoir les usages pacifiques de l'énergie nucléaire et à limiter le développement de ses applications militaires.
L'OMS possède une réelle expertise sur Tchernobyl mais est liée par cet accord avec l'AIEA en ce qui concerne les communications publiques. Les dommages génétiques causés par Tchernobyl ne peuvent, par exemple, être cités par l'OMS sans consultation de l'AIEA. Ainsi, en 1995, les actes d'un colloque organisé par l'OMS réunissant plus de 700 médecins étudiant les effets de la catastrophe de Tchernobyl, ont tout simplement été censurés. Les explications de l'attitude de l'OMS sont les suivantes :
Depuis la signature de l’accord du 28 mai 1959, l'AIEA surveille toutes les recherches sur les risques médicaux entraînés par l'utilisation commerciale de l'énergie nucléaire, en lieu et place des organisations de médecins indépendants.
L'accord entre l'OMS et l'AIEA de 1959 implique que tous les projets de recherche dont les résultats pourraient limiter la croissance de l'industrie nucléaire ne pourront être menés par l'OMS que si elle « collabore » avec l'AIEA.
L'accord entre l'OMS et l'AIEA de 1959 implique dans son article 3 que L'OMS et l'AIEA reconnaissent qu'elles peuvent être appelées à prendre certaines mesures restrictives pour sauvegarder le caractère confidentiel de certains documents.
L'AIEA est la seule institution qui dépend directement du Conseil de Sécurité de l’ONU. Elle a donc préséance sur l'OMS.
Voilà pourquoi les sources dont vous vous gargarisez n’ont aucune valeur. Mais il est vrai que les médecins vous font des « standing ovation », et, cela, c’est un bon critère scientifique.
Ne parlons pas de nos académiciens des sciences ou de médecine qui vivent constamment dans le conflit d'intérêt.
Il n’y a aucune étude sérieuse en France, concernant, par exemple, l’impact sur la santé des populations autour des centrales.
En effet, « l'étude publiée dans le British Medical Journal par Dominique Pobel et Jean-François Viel (à proximité de La Hague), est bien faite, mais l'effectif de l'échantillon est malheureusement trop faible pour permettre une réelle analyse de tous les facteurs étudiés. Si l'étude a été bien menée, il semble que les résultats en aient été surinterprétés. L'hypothèse soulevée reste intéressante et mérite d'être approfondie, même si elle n'est soutenue que par peu d'études » écrit Élisabeth Cardis dans la Recherche :
L'absence d'études « sérieuses » doit également être imputée au fait qu'il n'existe toujours pas de registres régionaux des cancers.
L’argument de validité des études financées par de l’argent public n’a bien entendu aucune valeur. C’est même le contraire. L’état français est pro nucléaire, toutes couleurs politiques confondues, depuis au moins Charles de Gaulle. Il ne finance donc que des études se devant d’affirmer l’innocuité du nucléaire.
Curieusement, l’Allemagne a des études qui constatent, elles, cet impact morbide autour des centrales :
http://www.bfs.de/de/bfs/presse/pr07/pr0711.html
Dernier lieu commun, plus grave celui là : le rapport « risque/ bénéfice » ( !) du nucléaire au regard de l’impact de la radioactivité sur la santé. Au delà de la méconnaissance, certainement voulue de votre part, des études sur les faibles doses, vous nous présentez un tableau où il n’est question que d’impact par irradiation, avec le marronnier de la radioactivité naturelle. Vous n’ignorez cependant pas que les plus gros dégâts provoqués par un accident nucléaire le sont par contamination : l’ingestion par l’organisme de substances dont les isotopes radioactifs, prenant la place d’atomes « similaires », irradieront de ce fait le vivant de manière permanente jusqu’à disparition du toxique au bout de sa durée de vie. Non, vous ne l’ignorez pas, mais votre salaire, manifestement, doit être suffisamment attractif pour ne vous faire voir, entendre et répéter que ce qui arrange vos employeurs, à savoir le CEA et le lobby nucléaire.
Votre argumentaire semble curieusement tout droit sorti du contre rapport du gouvernement japonais produit à Genève en réponse au rapport Grover présenté le même jour 27 mai 2013, sans doute le lobby nucléaire l’a-t-il inspiré, on y retrouve notamment vos chiffres sur la nocivité…
http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/14session/A.HRC.14.20.pdf
A noter que le rapport Grover tient quant à lui largement compte des études effectuées par de nombreux auteurs, notamment sur les faibles doses, vous trouverez leurs références au fil de la lecture.
Enfin, et cela n'a pu être évoqué lors du débat car ce n'était pas le cœur du sujet, j’avais étudié attentivement vos publications. J'y ai trouvé des erreurs de calcul, mais, au delà, et c'est beaucoup plus grave, des incohérences sur l’existence de substances très dangereuses produites chaque année par le parc nucléaire français... dont on perd complètement la trace ! Par ailleurs la vitrification s'avère à la lecture beaucoup moins performante que vanté .
Je vous joins un document reprenant toutes mes remarques sur votre travail, comme je m'y étais engagé.
J’avoue être très inquiet que des « scientifiques » comme vous soient (ir)responsables de notre avenir.
Je voulais enfin vous préciser que, malgré votre présentation powerpoint, le public (non CEA) a tout à fait apprécié la brillante présentation de Monsieur Péguin, dont les sources sont d'autant plus fiables qu'elles sont gratuites, contrairement aux vôtres ! Monsieur Péguin n’est payé par personne, il cherche à informer les gens. Vous êtes rétribué par le CEA pour propager des contres vérités.
J’attends que vous répondiez aux questions posées dans le document joint.
Salutations,
Gilbert Tallent
Document joint "Questions à Monsieur Etienne Vernaz" disponible ici :
Commentaires
Bravo pour ce bel argumentaire. J'habite à 20 km de la centrale de St Maurice l'Exil. Ma petite fille de 7 ans est rentrée à Lyon bérard vendredi passé. Elle a une leucémie, la plus grave, LAM..Est-ce que cela peut avoir un rapport avec le nucléaire ?
Bonjour,
je ne sais que répondre à votre message, qui me bouleverse. Je ne suis pas médecin, et ne suis qu'un simple citoyen, très sensibilisé aux dangers inacceptables de cette technologie mortifère. L'étude allemande, à laquelle je fais référence dans mon billet montre une augmentation très importantes des leucémies dans un rayon de 5 km autour des centrales. Eux constatent le fait, mais se refusent, pour l'instant, à relier aux irradiations, car il ne s'agirait que de "faibles doses", et l'OMS, n'est-ce pas ...
Une simple lecture sur internet de l'article :
http://fmc.med.univ-tours.fr/Pages/...
dit :
1°) que l'âge médian de survenue des LAM est de 65 ans, votre fille a 7 ans
2°) le rôle des radiations ionisantes est bien démontré !
Personne, faute d'étude sérieuse, ne peut déterminer l'origine du malheur qui survient à votre enfant, mais il semble évident, pourvu que l'on ait un peu de bon sens, que la proximité d'une centrale soit à l'origine de cela. Sinon, la cause exacte, un accident non déclaré, la pollution accidentelle de l'eau, de l'air, un dépôt de contaminants sur la nature environnante, nul ne peut le dire. Mais l'acteur le plus probable, tout le monde le comprend, c'est la centrale de Saint Alban, et pour répondre le plus honnêtement du monde à votre question : OUI, cela peut avoir un rapport avec le nucléaire. Pour mon intime conviction, c'est évident.
Ces gens qui nous exposent, en toute connaissance de cause, à ces dangers sont des criminels.
Courage. J'espère que votre fille va s'en tirer, et grandira en ennemie de ce lobby assassin.
Bien cordialement,
Gilbert Tallent
Monsieur Etienne Vernaz a répondu par courriel à Gilbert Tallent.
Sa réponse est disponible ici :
http://coordination-antinucleaire-s...
Il faut savoir que Monsieur Vernaz est protestant,contre la théorie de l'évolution.C'est son droit dans un pays ou il y a la liberté de culte.Il est à la fois scientifique et croyant en un dieu créateur de l'Homme.Je le sais de colocataires qui ont assisté à une de ces conférences.C'est pour cette raison que j'ai atterri ici et que j'ai lu (plus ou moins) ce qui est écrit ici.Car je voulais en savoir plus sur ce Monsieur.Ce que je lis au dessus confirme mes pensées.Non seulement ce monsieur diffuse des théories non scientifiques (comment peux-t-on à notre époque être contre la théorie de l'évolution et de plus croire à toutes les contre-vérités qui sont racontées dans la bible écrite,modifiée par des hommes sur un temps relativement long ).D'après ce que j'ai entendu son discours est plus ou moins le même que celui des Jéovahs.Dommage que je n'ai pas pu assisster à cette conférence (j'ai préféré rester auprès de ma mère malade) .J'aurais démonté la théorie de monsieur Vernaz en un coup de cuillère à pot.Comme je le fais pour les Jéhovas.Les jéovahs commencent leur théorie par :tout à un maitre ,un patron (thèse).OK?Jusqu'à arriver à dieu.Ok?Mais qui est le patron de dieu ?.Réponse Jéohvah:Personne (antithèse).Ok.Alors,il ne faut pas me dire au départ que tout a un dieu,un maitre ? CQFD.Je constate en lisant tout ceci que monsieur Vernaz est tout autant à côté de la plaque du point de vue de son métier qu'au niveau de sa croyance.Sans doute se sent t-il "clean" par rapport à son job grâce à sa croyance.Tant mieux pour lui.dieu pardonne tout...lol.Il faut savoir que l'homme est de passage sur terre et que tout tourne sans l'homme.Dieu a créé l'homme à son image.AHAHAH.Je dirais plutôt que l'Homme a créé dieu à son image.A son image parfaite.
De passage sur le blog, le dernier post, bien que hors sujet, me fait réagir.
Attention aux amalgames et aux raccourcis trop faciles.
L'argument ad hominem au sujet de la foi de monsieur vernaz est au pire, un argument malhonnête, au mieux, une erreur de raisonnement. Ce n'est pas parce que Monsieur Vernaz ne croit pas à l'évolution qu'il a tort au sujet du nucléaire. C'est un raccourci trop facile.
La théorie de l'évolution n'est objectivement qu'une théorie. Jusqu'au jour où une autre la remplacera, c'est l'histoire des sciences. Si par contre vous pensez qu'il est impossible de démonter cette théorie et que tout individu qui propose une autre approche est un idiot, vous n'êtes plus dans une démarche scientifique, vous êtes dans le domaine de la croyance. Cela devient une théorie non scientifique. La limite est facilement franchie.
Monsieur Vernaz étant protestant, je doute fort qu'il croie que "tout a un maître". En effet, un schéma aussi réducteur que celui-ci est évidement démontable en quelques lignes. Mais ni la Bible, ni la pensée chrétienne n'ont ce genre de postulat. Par contre, dire que Dieu est créateur et que toute créature a un maître, cela se tient logiquement, mais bien sûr ne sera jamais expérimentalement démontrable...
Pour ce qui est du nucléaire, je ne suis pas assez équipé pour pouvoir en parler, mais il me semble que même si les arguments de Monsieur Vernaz sont discutables, il a essayé de répondre honnêtement aux questions que vous lui avez posées...
@Pierre
<< La théorie de l'évolution n'est objectivement qu'une théorie. >>
Non, la "théorie" de l'évolution n'est pas une spéculation, c'est une théorie scientifique (voir définition ci-après).
DEFINITION :
Une théorie (du grec theorein, « contempler, observer, examiner ») est un ensemble d'explications, de notions ou d'idées sur un sujet précis, pouvant inclure des lois et des hypothèses, induites par l'accumulation de faits trouvés par l'observation ou l'expérience.
En philosophie des sciences, une théorie scientifique doit répondre à plusieurs critères, comme la correspondance entre les principes théoriques et les phénomènes observés. Une théorie doit également permettre de réaliser des prédictions sur ce qui va être observé. Enfin, la théorie doit résister à l'expérience et être compatible avec les nouveaux faits qui peuvent s'ajouter au cours du temps. Si ce n'est pas le cas, la théorie doit être corrigée ou invalidée.
Ainsi, c'est dans la durée que se juge la force d'une théorie car elle doit pouvoir rester compatible avec les nouveaux faits, résister aux expérimentations qui voudraient en démontrer son invalidité, et assurer la justesse de ses prédictions.
Dans le langage courant, le terme « théorie » est souvent utilisé pour désigner un ensemble de spéculations sans véritable fondement, à l'inverse du sens admis par les scientifiques.
@ André
Tout à fait d'accord avec cette définition. C'est bien ce que j'entendais par "théorie".
C'était pour souligner son caractère "non absolu". Une théorie reste une théorie tant qu'elle n'a pas été réfutée par l'expérience. Dans ce sens, elle n'est pas une vérité, mais seulement la meilleure explication que l'on ait d'un phénomène qu'on cherche à décrire. Bien qu'elle s'appuie sur de nombreuses observations qui sont indéniables, croire que la théorie de l'évolution est une vérité, c'est aller au-delà de la science, c'est une croyance. Cela risque de mener à une pensée unique, et de discréditer gratuitement toute personne cherchant à décrire les mêmes phénomènes par d'autres théories.