l'ASN fustige le manque de sûreté nucléaire du site du Tricastin et condamne les menaces que fait courir EDF à la population, aux salariés, à l'environnement
Par admin le vendredi 3 mai 2013, 10:48 - Tricastin - Lien permanent
La semaine dernière, le 22 avril 2013, l'Autorité de Sûreté Nucléaire a rendu son appréciation annuelle 2012 sur la centrale nucléaire du Tricastin. Elle confirme les menaces que le CAN84 dénonce depuis des années et dont le collectif interdépartemental "Stop-Tricastin" nouvellement créé valide. Tricastin est en régression en matière de sécurité et représente une menace pour toute la région : Fuite de radioactivité et de responsabilité, manque de rigueur, hygiène et sécurité aléatoires, radioprotection défaillante...
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Le site du Tricastin, le plus important de France qui regroupe des intallations nucléaires et chimiques civiles et militaires, abrite la centrale nucléaire exploitée par EDF (Drôme, Saint -Paul-Trois-Châteaux) et composée de 4 réacteurs à eau sous pression d'une puissance de 900 Mwe chacun. Les réacteurs n°1 et 2 constituent l'installation nucléaire de base (INB) n° 87, les réacteurs n°3 et 4 constituent l'installation nucléaire de base (INB) n° 88. Jusqu'à il y a peu 3 de ces réacteurs ne fournissaient aucune électricité pour la population et les entreprises mais tournaient uniquement pour l'auto-consommation en électricité du site du Tricastin (coûts répercutés sur les usagers d'une manière ou d'une autre).
Fuite de responsabilité, manque de rigueur, hygiène et sécurité aléatoires, radioprotection défaillante...
Dans sa publication d'évaluation annuelle "l’ASN considère que les performances du site du Tricastin doivent être notablement améliorées en matière d’essai périodique, de requalification des matériels après intervention et... en matière de lignage ainsi que de mise en configuration des circuits".
La fuite de responsabilité des exploitants pour ne pas dire le non-professionnalisme et le j'men-foutisme est aussi dénoncée officiellement : "le site du Tricastin doit également veiller à assumer pleinement sa responsabilité d’exploitant concernant les dossiers qu’il présente à l’ASN". Pas moins.
En matière de radioprotection, l’ASN considère aussi que " des progrès doivent... être accomplis pour renforcer la mise en œuvre de la démarche ALARA1 dans la préparation des activités" Et lorsque les inspecteurs de la "sûreté nucléaire" mènent des inspections de chantiers lors des phases d’arrêt de réacteur, c'est le pompon : "l’ASN considère que le site du Tricastin doit améliorer la rigueur avec laquelle les dispositions opérationnelles de radioprotection sont mises en œuvre sur le terrain". Autrement dit : la protection de la santé des personnels et des salariés on s'en fout.
Côté hygiène et sécurité pour les travailleurs le rapport constate que les progrès réalisés par le site du Tricastin depuis 2010 "restent fragiles et devront être confirmés dans la durée". Autrement dit, lorsqu'on se fait taper sur les doigts et pris la main dans le sac des négligences, la centrale bricole vite fait une mise en scène pour donner le change et puis, très vite, elle retourne à ses vieux démons de mépris des travailleurs.
En matière de protection de l’environnement : ce n'est pas mieux. L'autorité officielle considère que " les performances du site du Tricastin sont en retrait par rapport à l’appréciation générale que l’ASN porte sur EDF". Ainsi, par décision n° 2012-DC-0264 du 13 mars 2012, l’ASN a mis en demeure le site du Tricastin de " se conformer aux exigences encadrant les rejets dans l’environnement des effluents liquides et gazeux à la suite d’un événement relatif au déversement d’eau déminéralisée conditionnée à la morpholine dans le réseau d’eau pluviale".
Bizarre personne n'avait jamais entendu parler de cette contamination des eaux et de l'usage d'un réseau d'eau pluviale à des fins d'élimination de toxiques. Et en recherchant bien on découvre une mise en demeure en date du 13 mars 2012 pour un accident qui s'est produit le 22 septembre 2011, et qui précise : "que la configuration des circuits concernés de l’installation conduisait à ce que des effluents conditionnés à la morpholine (composé chimique utilisé également dans les fongicides) pouvaient, en étant déversés par les trop-pleins des réservoirs SER (eau conditionnée à la morpholine), transiter dans le réseau SEO (eau pluviale) avant d’être rejetés dans l’environnement"
Sous-protection contre les inondations . L’ASN a imposé le 27 mai 2011 au site du Tricastin d’améliorer sa protection vis-à-vis du risque d’inondation en réalisant des travaux sur l’ouvrage hydraulique de Donzère-Mondragon. Mais on n'aime pas se presser au Tricastin et jouer avec la vie des gens et la sécurité des territoires est devenu la grande spécialité du site. Ainsi ce n'est qu'un an plus tard, le 18 juin 2012, qu'EDF a enfin déposé un dossier de demande d’autorisation pour mettre en œuvre des travaux de protection face aux risques d'inondation. Mais là encore, la centrale nucléaire est en plein bricolage et continue de traiter à la légère la sécurité. L’ASN note que : "ce dossier n’a pas été jugé recevable à ce stade par les services de l’État en charge de son instruction dans un contexte où le calendrier de réalisation est particulièrement contraint".
Dans ces conditions on peu s'étonner que l'Autorité de Sureté Nucléaire ne prononce pas tout logiquement la mise à l'arrêt immédiat de cette installation nucléaire et soumette un éventuel démarrage - rejeté par le CAN84 et "Stop-Tricastin" - à la réalisation de l'ensemble des exigences qu'elle définit. En fait on à l'impression que l'Autorité cherche avant tout à se protéger de critique et de condamnation en cas d'accident nucléaire majeur au Tricastin. Chacun ouvre le parapluie administrativo-judiciaire sur le dos des populations et des territoires. La seule attitude responsable et humaine est de mettre à l'arrêt l'ensemble du site et des installations nucléaires du Tricastin.
Commentaires
Des réacteurs de Tricastin ont reçu l'autorisation de l'ASN de continuer à tourner pour 10 ans supplémentaires moyennant des travaux. Or l'Autorité de Sureté Nucléaire ne fixe pas de délais stricts pour les travaux et de plus ils ne sont pas suspensifs ! Un peu comme si, lors du contrôle technique de sa voiture, il était constaté que les freins ne fonctionnaient plus, que l'huile fuyait, que la boîte de vitesse craquait, que les pneus étaient lisses mais qu'on donnait l'autorisation de continuer à rouler pour 3 ou 4 ans voire plus. Le nucléaire est à l'image des grands prédateurs financiers de la planète :au dessus des lois du commun des mortels...
"On entend ou on lit très souvent, de la part des tenants de la prolongation des réacteurs des centrales nucléaires françaises, que des réacteurs américains, du même type" ont reçu l’autorisation de fonctionner jusqu’à 60 ans. De là il n’y a qu’un pas : les réacteurs français doivent pouvoir fonctionner jusqu’à 60 ans.
"Sauf que en France, la durée de fonctionnement d’un réacteur nucléaire est comptée à partir de la date de la première divergence (premières fissions et réaction en chaîne) alors qu'au Etats-Unis c'est la date du début de la construction (« date du premier béton »)" qui durent environ 9 ans. Une durée de fonctionnement de 40 ans aux Etats-Unis correspond donc, en moyenne, à une durée de fonctionnement de l’ordre de 31 ans en France.
Le président de la NRC (jusqu’à l’été 2012), le Dr. Jaczko, n'a pas hésité à affirmer qu’il est "partisan d’une fermeture définitive des réacteurs à la fin des 40 ans autorisés au lieu de prolonger leur fonctionnement de 20 ans", c'est-à-dire 31ans maxi pour la France ... La France dont les techno-nucléocrates se targuent d'être et les plus exigeants en matière de sureté et sécurité nucléaire et les meilleurs au monde en matière de technicité!
(voir à e sujet l'article "quel âge à ma centrale" sur http://blogs.mediapart.fr/blog/bern... )